Rien n’est définitivement perdu, mais… il nous semble qu’il est temps de prendre un peu de recul quant au moral des troupes !
Le débat entre le bien-être et la souffrance au travail, c’est la même histoire que celle qui préside à l’affrontement entre l’amour et la haine, entre le bien et le mal… Un combat permanent, un débat récurrent, une dialectique qui tombe facilement dans l’émotion.
Aujourd’hui, nous pouvons constater ensemble que la rupture entre la majorité de la population et le travail est en train de se consommer. Si nous prenons un peu de hauteur, nous devons observer que le secteur des soins de santé, dans sa majorité, est en situation de profonde détresse, que les services publics sont globalement à l’arrêt faute de moyens disponibles, que de nombreux secteurs – la grande distribution par exemple – se demandent à quelle sauce numérique/robotique ils vont être mangés… Et ce ne sont que quelques exemples.
Conséquence n°1 : la gestion du bien-être de l’individu se recentre sur la sphère personnelle. Les entreprises se désengagent aussi vite qu’elles se sont lancées dans la recherche de l’épanouissement pour revenir sur les thématiques de responsabilité, d’apprentissage et d’employabilité ou encore d’amélioration des compétences collaboratives. Bref, l’entreprise conseille à ses travailleurs de veiller à être de bons éléments tout en leur rappelant qu’il serait opportun de privilégier une bonne hygiène de vie personnelle, à titre privé (En clair… ‘’ton bien-être, c’est ton problème’’…).
Conséquence n°2 : la perception générale de la sphère professionnelle est négative, même si de nombreuses situations s’améliorent sur le terrain grâce entre autres à une réelle transformation qualitative de l’environnement de travail ou encore à l’émergence – certes disparate – de leaders innovants qui parviennent à créer des bulles de bien-être voire de bonheur dans leurs entreprises.
Essayons de comprendre pour quelles raisons – et la liste ne sera certainement pas exhaustive – la souffrance a-t-elle donc (re-)pris le dessus ?
En tout premier lieu, l’investissement en matière de bien-être au travail requiert un leadership très fort, une cohérence absolue dans l’espace et dans le temps. Il ne s’évalue d’ailleurs que dans la durée. Et nos organisations souffrent définitivement d’une trop grande rotation au niveau managérial. Comment entreprendre une transformation longue de culture et de philosophie de travail avec de telles allées et venues au sein de nos comités de direction. D’autant que celles et ceux qui restent en place ne sont pas toujours les meilleurs, loin de là…
Ensuite, il nous semble que nous avons jusqu’à présent raté une opportunité en matière de concertation sociale. Les initiatives dans le domaine du bien-être de nos collaborateurs manquent souvent de cohésion interne. Les entreprises qui se sont lancées dans un vrai projet d’épanouissement personnel et collectif ont eu tendance à reléguer la concertation sociale au second rang. Pourtant il n’y a pas de meilleur sujet pour réussir l’unanimité et l’union des forces vives…
Enfin l’évolution de la technologie qui s’installe dans la sphère professionnelle n’est que rarement maîtrisée. Elle ne génère pas forcément de l’inconfort. Par contre, elle creuse le sillon de l’incertitude, elle déstabilise, elle inquiète… Et l’absence de réponse ‘formelle’ est difficile à digérer pour les travailleurs. Il reste, quoi qu’on en dise, difficile d’avancer sereinement sans perspective établie.
Le tableau est loin d’être idyllique. Pas question de désespérer cependant, car les plus optimistes d’entre nous restent convaincus que l’amour et le bien triomphent toujours à la fin.
Jean-Paul ERHARD