Actuellement, les soins psychologiques (liés à l’anxiété, le stress, le burnout, la dépression…) ne sont généralement pas pris en charge par l’assurance maladie, et ils restent donc, selon les autorités, peu accessibles. Le Centre fédéral d’Expertise des Soins de Santé (KCE) a analysé les modèles d’organisation et de remboursement des soins psychologiques mis en place dans d’autres pays, pour ensuite élaborer un modèle adaptable à la réalité belge.
Il propose un système à deux ‘étages’ : un premier niveau généraliste, largement accessible, pour accueillir sans restriction les problèmes courants et modérés, et un second niveau, d’accès plus restreint, mais permettant de délivrer des soins spécialisés à ceux pour qui le premier niveau n’est pas suffisant.
Des besoins importants…
La population belge exprime régulièrement, à travers divers chiffres et enquêtes, un degré croissant de détresse psychique. Il ne s’agit pas nécessairement de graves maladies mentales mais de problèmes dits ‘courants et modérés’ comme de l’anxiété, du stress, du burnout, des sentiments dépressifs, des soucis relationnels ou familiaux,… En d’autres mots, des moments de vie difficiles qui ne correspondent pas nécessairement à des diagnostics psychiatriques caractérisés. Cependant, si on n’intervient pas, cette détresse psychique peut s’installer dans la durée et devenir plus difficile à traiter. Au-delà des souffrances individuelles, elle viendra alors alourdir le fardeau social de l’absentéisme : d’après les chiffres de l’INAMI (2013), entre un tiers et la moitié des nouvelles demandes d’indemnités d’invalidité sont imputables à des troubles mentaux. C’est une hausse de près de 60 % en 10 ans.
…mais une offre insuffisante
Pourtant, ces problèmes de vie sans réelle gravité peuvent souvent être surmontés avec l’aide d’un professionnel formé à cet effet. Mais l’offre actuelle de soins psychologiques ne rencontre pas la demande : le secteur de la santé mentale est complexe, les intervenants sont nombreux et mal connus du public, les temps d’attente peuvent être longs, les tabous autour de ces questions sont persistants et, par-dessus tout, ces soins ne sont généralement pas pris en charge par l’assurance maladie.
Un modèle à deux étages
L’étude publiée ce jeudi 14 avril a été demandée par l’INAMI, le SPF Santé publique et une association professionnelle de psychologues, dans la foulée de la loi d’avril 2014 reconnaissant la profession de psychologue clinicien. Le Centre Fédéral d’Expertise des Soins de Santé (KCE) a analysé les modèles d’organisation et de remboursement des soins psychologiques mis en place dans d’autres pays, pour ensuite élaborer un modèle adaptable à la réalité belge, en concertation avec tous les acteurs concernés, dont les représentants des principales associations professionnelles et des patients.
Il s’agit d’un système à deux ‘étages’ : un premier niveau généraliste, largement accessible, pour accueillir sans restriction les problèmes psychiques courants et modérés, et un second niveau, d’accès plus restreint, mais permettant de délivrer des soins spécialisés à ceux pour qui le premier niveau n’est pas suffisant.
Un premier accueil large et sans conditions
Le premier niveau, inspiré des projets pilotes de « psychologie de 1re ligne » (Eerste Lijns Psychologische Functie – ELPF) récemment menés en Flandre, se veut ouvert à tous, sans prescription, ni critère de diagnostic ou de gravité. Des psychologues spécifiquement formés à l’accueil et à la première prise en charge des problèmes psychiques les plus courants y recevraient rapidement, et pour une contribution financière très modique, tous ceux qui se présentent.
Ces prises en charge de 1re ligne seraient limitées à 5 séances ; leur but se borne en effet à évaluer le problème et à donner le ‘petit coup de pouce’ professionnel qui devrait suffire, dans la majorité des cas, à retrouver en soi les ressources nécessaires pour tenir tête aux aléas de la vie. L’expérience des projets flamands ELPF montre d’ailleurs que 88% des personnes qui y ont eu recours ont été aidées en (moins de) 5 séances. Cette approche permet également d’identifier et de réorienter plus rapidement les personnes nécessitant des soins plus soutenus ou plus spécialisés.
Les psychologues de 1re ligne pourraient exercer un peu partout : dans des cabinets de médecine générale ou des maisons médicales, des centres PMS, des plannings familiaux, etc. Cette grande flexibilité dans la localisation de cette fonction permettrait de lui garantir une large distribution géographique.
Toutefois, certaines personnes préfèrent aborder leurs problèmes psychiques dans le cadre familier du cabinet de leur médecin généraliste. Pour permettre à ces acteurs centraux des soins de santé – ou du moins à ceux qui le souhaitent – de continuer à tenir ce rôle, le KCE recommande qu’il leur soit permis de percevoir des honoraires augmentés pour ‘consultation de longue durée’. Pour le patient, la participation financière resterait équivalente à celle payée en 1re ligne de soins psychologiques.
Des soins plus spécialisés pour ceux qui en ont besoin
Pour certaines personnes, les cinq séances de la 1re ligne ne suffiront pas, parce qu’elles ont besoin d’une prise en charge plus spécifique ou de plus longue durée. Elles auraient alors accès à des soins plus spécialisés (dont les psychothérapies), sur prescription cette fois. Le besoin de soins spécialisés devrait être conjointementattesté par un médecin généraliste et un psychologue de 1re ligne. Le nombre de séances remboursées serait également limité mais suffisant pour donner des résultats, et renouvelable à certaines conditions.
Comme les acteurs de terrain ont marqué leur souhait de ne pas créer de nouvelles structures de soins dans un paysage déjà complexe, le KCE propose que les soins psychologiques spécialisés soient délivrés à partir des Services de Santé mentale (SSM) ou en collaboration avec ceux-ci. Les psychologues indépendants exerçant en privé seraient invités à signer une convention de collaboration avec un SSM pour avoir accès à l’intervention financière de l’INAMI. Il va de soi que tous les prestataires devront satisfaire aux critères de la loi sur les professions de la santé mentale (en cours de remaniement) et à un certain nombre de conditions destinées à garantir la qualité des soins.
Il resterait évidemment possible de consulter un psychologue privé en dehors de ce système, mais il n’y aurait alors aucun remboursement par l’assurance maladie (sauf l’assurance complémentaire de certaines mutualités, comme c’est déjà le cas actuellement).
Une réforme de longue haleine
Un tel bouleversement du paysage de la santé mentale ne se fera pas du jour au lendemain. Il faudra notamment former des intervenants en nombre suffisant, définir les critères de leurs formations spécifiques et accréditations, mettre en place les instances de régulation, et organiser l’accès aux (futurs) dossiers informatisés partagés.
Quant au nerf de la guerre… Le financement d’un tel système est compliqué à mettre en œuvre parce que la santé mentale est un secteur qui dépend à la fois des niveaux fédéral et fédérés. Le KCE a proposé des solutions créatives pour éviter l’apparition de deux systèmes parallèles. Ceci nécessitera une concertation entre les différents niveaux de compétence, et une volonté partagée de mettre sur les rails un système de soins psychologiques adapté aux besoins de la population.
Source : Centre Fédéral d’Expertise des Soins de Santé