Pour la première fois en Belgique, une enquête approfondie a été réalisée auprès de personnes qui souffrent (ou ont souffert) d’un burn out. Commanditée par les Mutualités Libres*, l’étude révèle des résultats inquiétants. Une confirmation d’abord : les professionnels de la santé sont fortement touchés par ce fléau : 15% des personnes en burn out travaillent dans le secteur des soins et de l’aide aux malades. Le personnel soignant est suivi de près par les enseignants (11%) et les métiers du commerce (8%), soit des professions de service ou d’aide à la personne.
1 travailleur en burn out sur 4 est en contact avec des personnes « difficiles ». Les travailleurs qui sont en relation constante avec des personnes jugées « difficiles » – clients, patients, élèves – sont plus susceptibles de connaître un burn out. Cela concerne notamment le personnel soignant, les enseignants et les services clientèle. En cause : la difficile gestion des émotions dans un contexte professionnel conjuguant stress et absence de reconnaissance.
Hautes exigences et violence répétitive
Un travailleur en burn out sur 4 (24,6%) déclare être en contact fréquent ou constant avec des personnes dites « difficiles » (clients, patients, élèves). 34% d’entre eux consultent un psychiatre ou un psychologue contre 23% seulement dans les professions ne nécessitant pas de contacts avec des publics « difficiles ».
Comment expliquer ce phénomène ? « L’exercice de certains métiers exige de la part des travailleurs de devoir contrôler leurs émotions en toutes circonstances, quelle que soit l’humeur du patient, du client, de l’élève et la complexité de l’environnement », commente le Dr Patrick Mesters, directeur de l’Institut européen d’Intervention et de Recherche sur le Burn out*, qui a analysé les résultats de l’enquête pour les Mutualités Libres. « L’épuisement guette lorsque les situations deviennent trop violentes, répétitives et échappent au contrôle, en l’absence de solidarité, de reconnaissance et de soutien de la hiérarchie et des collègues. »
Car la violence est bien présente dans le monde du travail. Plus d’un travailleur sur dix (12%) déclare en effet avoir un vécu de harcèlement, soit des paroles ou des comportements abusifs répétés, internes ou externes à l’entreprise.
Pertes financières, addictions…
Quant aux répercussions humaines et sociales du burn out, elles sont immenses : la moitié des personnes interrogées ont arrêté de travailler pendant 6 mois au moins ; une personne sur dix a été hospitalisée pendant 41 jours en moyenne et un travailleur sur trois a connu des conflits familiaux et même une séparation conjugale pour 8% d’entre eux.
37% des personnes concernées ont subi une baisse de revenu pendant l’épisode de burn out, de l’ordre de 20 à 60% des rentrées financières pour la majorité. Pour tenir le coup, 29% des personnes en burn out ont augmenté leur consommation d’alcool, de tabac (23%), ou les prises alimentaires (42%).
Besoin de soutien, humain et financier
Interpellées par les résultats de cette enquête, les Mutualités Libres s’interrogent sur la prise en charge thérapeutique et sociétale de cette problématique. Moins d’un sondé sur deux (44 %) a en effet consulté son généraliste pendant cette période éprouvante, et seulement une personne sur quatre (25%) a confié ses difficultés à un psychologue ou un psychiatre. Or, comme le montre l’enquête, les récidives sont courantes (22%), mais moindres quand les travailleurs sont traités par un psy. Dr Patrick Mesters : « Rappelons que le diagnostic de burn out doit être établi par un médecin, car l’épuisement professionnel est accompagné de multiples manifestations (fatigue intense, insomnies, addictions, risque suicidaire) qui exigent l’intervention d’un professionnel. Davantage d’informations sur l’importance d’un suivi psychologique est aussi indispensable. Enfin, le ‘soutien’ est le besoin le plus souvent exprimé par les travailleurs qui ont connu un burn out : il s’agit de manifestations d’empathie de la part de l’employeur, des collègues et de la famille, mais aussi du soutien financier dans le cadre du suivi thérapeutique (consultations chez un psy, un sophrologue, un coach). Par ailleurs, 5% des sondés auraient souhaité être soignés dans un centre de séjour adapté. Ce qui n’est pas étonnant, car l’hôpital n’est pas le lieu d’accueil approprié pour traiter cette problématique.»
*Enquête réalisée du 16 au 23 juin 2017 par Dedicated auprès de 632 travailleurs ayant connu au moins un épisode de stress ou de fatigue professionnelle intense.