Démission, Désengagement, Résignation (en français ou en anglais), l’attention se concentre sérieusement sur le rapport au travail qui s’estompe, sur les envies d’ailleurs et de mettre un terme à une relation peu épanouissante entre employé et employeur. Le mot d’ordre, apparu dès que les phases aiguës de la pandémie ont semblé derrière nous, est simple : I quit ! J’arrête, je m’en vais, je me barre… Hasta la vista, Baby. Et nous cherchons depuis lors à comprendre quelles sont les raisons profondes de cette désaffectation qui provoque des départs immédiats ou progressifs (c’est ce que l’on appelle aujourd’hui le « quiet quitting »). Voici trois rapides constats qui pourraient nous éclairer.
1. Queen B comme élément motivateur
Nous étions loin d’imaginer que la pop musique viendrait un jour au soutien d’une des tendances RH les plus significatives de l’année. Et pourtant…
Les départs massifs ont trouvé leur hymne aux Etats-Unis. C’est au son d’un des derniers tubes de Beyoncé que les travailleurs démissionnent outre-Atlantique. ‘Break my soul’, chante la diva des divas. L’atmosphère est nettement moins musicale et revendicatrice chez nous. En Europe, nous revendiquons davantage le droit à la paresse, instauré à la fin du 19ème siècle par Paul Lafargue. Dans les deux cas, de part et d’autre de l’Atlantique, nous assistons au rejet de l’autorité et à une manifestation ‘extrême’ de la rupture de confiance qui est installée désormais sur le marché du travail. Ils s’expriment sans nuance, avec une prise de décision radicale. Les travailleurs plantent tout dans l’instant et déclarent haut et fort: ça suffit!
Le message est très clair :
I’m lookin’ for motivation
I’m lookin’ for a new foundation, yeah
And I’m on that new vibration
I’m buildin’ my own foundation, yeah
Dont acte (car il est trop tard…)
2. Faut-il préférer la version silencieuse?
Oui, il existe une autre approche, que l’on appelle désormais le ‘quiet quitting’. De quoi s’agit-il? Un nombre manifestement croissant de collaborateurs expriment leur désaccord, non pas en claquant la porte, mais bien en mettant leur ambition et leur énergie en mode veille. La passivité devient la norme. Cette formule est peut-être pire, du point de vue de l’employeur car elle peut rester ‘imperceptible’ pendant un certain temps si l’écoute et l’observation sont déficientes. Cette stratégie pernicieuse peut-elle être contrée? Peu probable en réalité car la décision est en quelque sorte déjà prise et le désengagement est bien réel. Que faire dès lors? Trouver ensemble un bon accord et un modus operandi convenable afin de permettre aux deux parties de se quitter de la meilleure manière qui soit.
3. Des signaux précurseurs
Et si les stratégies déployées par les travailleurs n’étaient rien d’autre que… des appels pour davantage d’attention, de proximité, de prise en compte des problématiques personnelles? Un grand classique en fait, c’est le fameux ‘Retenez moi ou je fais un malheur?’ Dans ce cas, la bataille n’est pas perdue, loin de là. Les signes précoces de démotivation devraient être pris au sérieux: diminution de la flexibilité, difficultés à respecter les accords, collaboration difficile… La réponse immédiate la plus adaptée reste le dialogue, sans aucun doute. Et peu importe au final qui endosse cette responsabilité: management de proximité, collègues directs, responsables RH… Ce qui importe, c’est la capacité à réagir rapidement avant que la situation ne se détériore.
Notre vitesse de réaction répond en effet à un impératif bien plus important que la gestion des cas individuels. Derrière ce phénomène du ‘quit’ que nous observons sur le marché du travail – même si nos contrées restent relativement épargnées – guette le danger du renforcement des inégalités. Les données récentes nous confirment que les femmes et les seniors sont sur-représentés parmi les personnes concernées. Et ce, alors que nous ne sommes toujours pas parvenus à assurer un traitement équitable en fonction des genres et des générations. De quoi être inquiet, non?
Jean-Paul ERHARD
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