Éditorial – Leadership, Séduction, Amour, Transparence : une séquence logique et implacable.

CEO licencié pour une relation inappropriée avec une ‘subordonnée’… Ce qui s’est passé récemment au sommet du groupe multinational Nestlé arrive souvent dans des entreprises très différentes les unes des autres. C’est une décision qui peut aisément se comprendre même si pour certain.e.s, cela illustre une gouvernance d’un autre âge. L’enjeu principal, c’est la transparence.

Quel que soit son niveau de responsabilité, chaque travailleur a parfaitement le droit de nouer une relation affective avec celle ou celui qui le ou la fait rêver. Toutefois, dès qu’il y a des implications possibles sur les prises de décision, il faut être prudent. Et cela commence par un partage d’information honnête quant aux positions de chacun.e, y compris sur le plan émotionnel. C’est peut-être le prix à payer pour une relation de confiance équilibrée entre l’employeur et ses collaborateurs aujourd’hui.

Une décision somme toute logique (pour ce que nous en savons)

Le travail est un univers où la séduction joue un rôle fondamental. Celles et ceux qui prétendent le contraire sont plongés dans le déni ou baignent dans une profonde naïveté. Et le pouvoir n’est certainement pas étranger au phénomène. Il reste attractif. Traduction : l’exercice du leadership provoque le désir, aujourd’hui encore.
Le changement d’approche et la volonté de ‘réglementer’ les relations amoureuses sont venus avec le développement de la bonne gouvernance de nos entreprises. Une tendance vertueuse, donc… La question posée porte sur l’excès de contrôle et la pose de balises tellement strictes qu’il n’y a plus de place pour l’épanouissement personnel (et amoureux) !

La raison pour laquelle nous pensons que la décision qui amène à la fin de la relation de travail dans le cas du CEO de Nestlé est logique, c’est la nécessité de transparence qui fait partie désormais de toute fonction décisionnelle.
Parce qu’une relation sentimentale interférant avec un lien de subordination voire même de coopération va évidemment affecter nos processus de décision (de manière favorable ou défavorable, entendons-nous bien… Il ne faut pas voir le mal partout !). Cela se produit tous les jours. Le manque de transparence, même si tout le monde est déjà au courant, laisse supposer une volonté de dissimulation qui ne s’accorde pas avec les exigences du leadership moderne. La confiance est un concept fragile, c’est tout simplement le monde dans lequel nous vivons.

Effet collatéral de la confusion évidente entre sphère privée et sphère professionnelle

Les conséquences sont brutales et cela peut sans doute sembler plutôt extrême. Mais si nous intégrons chaque jour davantage les sphères privée et professionnelle (et c’est définitivement le sens de la marche), il est nécessaire que cela se produise de manière équilibrée.
Ce qui veut dire ? L’attente légitime des travailleurs engagés vise à obtenir de leur employeur qu’il prenne en compte leurs priorités personnelles (dont les enjeux de la vie sentimentale font partie, il nous semble). En contre-partie, il est normal que l’entreprise attende de ses collaborateurs – peu importe le niveau hiérarchique finalement -, qu’ils restent attentifs et prévoyants quant à l’impact de leurs galipettes sur la bonne gestion de la boîte.

C’est ce que nous appelons un principe de réciprocité, qui s’applique d’ailleurs à tous les formats de société, quel que soit leur secteur d’activités par ailleurs. Certains pensent peut-être qu’on ne s’embarrasse pas de ce genre de questions dans des entreprises familiales ou de taille réduite. Ils se trompent… C’est même un sujet central, qui exige une rigueur et une discipline plus grandes encore que celles que nous connaissons dans des groupes multinationaux. Lorsque la boîte dans laquelle on travaille est dirigée par Papa ou Maman, et que Mamy est en charge de la gestion de la flotte de véhicules de société pendant que le futur gendre se charge des relations commerciales et des dîners d’affaire avec les distributeurs à l’étranger, la dimension ‘sentimentale’ doit être appréhendée pour garantir la sérénité dans les bureaux comme dans les chambres à coucher.

Nos règles manquent d’empathie pour faire face à la réalité débridée du quotidien…

Partons du principe que la transparence s’installe durablement comme une pratique naturelle dans nos organisations. Tout ira pour le mieux dans le meilleur des mondes, dès lors ? Pas vraiment.
Car ce qui nous embête davantage encore dans le cas d’école qui nous occupe ici, ce sont les inégalités de traitement qui subsistent.

Dans la communication de cet ‘événement’ – pour rappel, un licenciement motivé par une relation amoureuse non divulguée avec une collaboratrice placée sous sa responsabilité directe – , chaque mot est important. Et ce qui devrait retenir toute notre attention en l’occurrence, c’est la dernière partie cette formule lapidaire. Rares sont celles et ceux qui se sont préoccupés du sort de la ‘subordonnée’… Celle-ci a dû elle aussi quitter l’entreprise, après vingt années de bons et loyaux services. Est-elle la victime malheureuse d’une micro-tornade qui emporte tout sur son passage? Certainement. Aurait-elle pu rester en fonction dès lors que son CEO chéri prenait l’escalier de service pour rentrer à la maison ? Peut-être.

Nos organisations tendent souvent à sur-réagir face à des situations qui génèrent de l’inconfort. Elles manquent alors d’empathie et de nuance. Les entreprises sont peuplées de couples et d’amours plus ou moins légitimes. Lorsque ces relations deviennent ‘problématiques’, ce sont les subordonné.e.s – et majoritairement les femmes, soyons clairs – qui dégustent dans l’indifférence générale. Cruel, injuste et, au fond, stupide tant sur le plan personnel que sur celui de l’intérêt supérieur de l’organisation. Ici comme ailleurs, une fois encore, nous pouvons sûrement mieux faire.

Jean-Paul Erhard

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