L’OIT (Organisation Internationale du Travail, émanation de l’ONU) et Eurofound se penchent sur l’impact du télétravail quant à l’équilibre global entre vie professionnelle et vie privée. Les conclusions du rapport diffusé ce jour sont contrastées.« L’usage croissant des technologies numériques – smartphones, tablettes, ordinateurs portables ou fixes – pour travailler à domicile et ailleurs transforme rapidement le modèle traditionnel du travail. Il permet d’améliorer l’équilibre entre vie professionnelle et vie privée, de réduire les temps de trajet et d’accroître le productivité mais il peut également aboutir à de plus longues heures de travail, à une intensification du travail et à une interférence entre travail et domicile ».
Le nouveau rapport ‘Working anytime, anywhere: The effects on the world of work’ (Travailler en tout temps, en tout lieu: les effets sur le monde du travail) fait la synthèse des recherches menées par les deux organisations dans quinze pays, dont dix Etats membres de l’UE (Allemagne, Belgique, Espagne, France, Finlande, Hongrie, Italie, Pays-Bas, Royaume-Uni et Suède), ainsi qu’en Argentine, au Brésil, en Inde, au Japon et aux Etats-Unis. L’étude identifie plusieurs types d’employés utilisant les nouvelles technologies (TIC) pour travailler hors des locaux de l’employeur, y compris les télétravailleurs réguliers, les travailleurs recourant occasionnellement au télétravail et au travail nomade numérique (T/TNN). A titre indicatif, il faut rappeler que dans l’UE des 28, en moyenne environ 17 pour cent des employés font du T/TNN. Dans la plupart des pays, de nombreux travailleurs le pratiquent à titre occasionnel plutôt que de façon régulière.
Les effets positifs.
Le rapport décrit plusieurs effets positifs du T/TNN: « plus d’autonomie relative au temps de travail qui conduit à plus de flexibilité en termes d’organisation du travail, réduction du temps de déplacement qui se traduit par un meilleur équilibre travail/famille et une productivité accrue. Il identifie aussi plusieurs inconvénients tels que la tendance à effectuer plus d’heures de travail, un chevauchement entre travail rémunéré et vie personnelle – qui peut engendrer un haut niveau de stress. » Le rapport établit une distinction claire entre les télétravailleurs à domicile qui semblent jouir d’un meilleur équilibre travail/famille et les travailleurs ‘très mobiles’ qui sont plus exposés à des répercussions négatives sur leur santé et leur bien-être.
« Ce rapport montre que le recours aux technologies de communication modernes favorise un meilleur équilibre global entre vie professionnelle et vie personnelle mais, dans le même temps, il estompe la limite entre travail et vie personnelle, selon le lieu de travail et les caractéristiques de chaque profession», affirme Jon Messenger de l’OIT, co-auteur du rapport.
Le rapport fait des recommandations afin de lutter contre ces disparités, en encourageant le télétravail formel à temps partiel afin d’aider les télétravailleurs à entretenir des liens avec leurs collègues et à améliorer leur bien-être, tout en restreignant le télétravail informel et supplémentaire qui implique de longues heures de travail.
«Il est vraiment important de s’attaquer au problème du travail supplémentaire réalisé grâce aux technologies de communication modernes, par exemple le travail additionnel à domicile qui peut être considéré comme des heures supplémentaires non rémunérées, et aussi de garantir un minimum de périodes de repos afin d’éviter les effets délétères sur la santé et le bien-être des travailleurs», explique Oscar Vargas de l’Eurofound.
Besoin d’un cadre légal.
Actuellement, seule l’UE s’est dotée d’un cadre global pour s’adapter à la numérisation du télétravail, avec l’Accord-cadre européen sur le télétravail. Cependant, la plupart des initiatives en place concernent le télétravail régulier à domicile tandis que les problèmes semblent surtout récurrents dans le T/TNN occasionnel et informel.
Le rapport précise encore : « A mesure que le télétravail se répand, le besoin de se déconnecter pour maintenir une séparation entre travail rémunéré et vie personnelle grandit. La France et l’Allemagne commencent à envisager des aménagements au niveau des entreprises, dans le cadre de la législation en vigueur ou de nouvelles lois. A l’avenir, cela pourrait se traduire par des mesures concrètes pour éviter que la vie professionnelle ne soit trop envahissante: extinction des serveurs informatiques en dehors des heures de travail afin d’empêcher l’envoi de courriels pendant les temps de repos et les vacances, ce qui est déjà le cas dans plusieurs entreprises. »