Nos entreprises sont soumises à l’obligation légale d’employer au moins 3% de jeunes (moins de 26 ans) au sein de leurs effectifs. Qu’en est-il dans la réalité? Le Conseil National du Travail (CNT) a mené une nouvelle analyse sur le sujet en se penchant sur l’évaluation des conventions de premier emploi. Précisant d’emblée la situation catastrophique quant au manque de données fiables et disponibles, le CNT constate que cette obligation est globalement bien respectée… sauf dans le secteur public où seule une institution sur deux se conforme à la réglementation!
Le CNT précise d’emblée dans ses conclusions concernant l’obligation individuelle d’embauche : « 77,8 % des entreprises privées ont respecté cette obligation pendant la période 2004-2015 en Belgique
Les Conseils constatent, sur la base des chiffres de l’ONSS, que le nombre d’entreprises du secteur privé satisfaisant à l’obligation individuelle d’occuper au moins 3 % de jeunes a régressé dans les trois Régions au cours de la période 2004-2015. Un recul important a en particulier été observé ces der- nières années, de 87 % en 2008 à 77,8 % en 2015 pour l’ensemble des trois Régions. Bien qu’il n’y ait pas de grandes différences entre les Régions, on constate quand même que la part est moindre et recule plus nettement dans la Région de Bruxelles-Capitale pendant l’ensemble de la période.
Les Conseils concluent à partir des chiffres de l’ONSS qu’en 2015, l’obligation individuelle de 3 % a été respectée en Belgique par 77,8 % des employeurs concernés du secteur marchand privé qui ne ressor- tissent pas à un secteur où s’applique une dispense sectorielle. Par rapport à 2004, la première année pour laquelle les Conseils ont dû évaluer la nouvelle définition, il s’agit d’un recul d’environ 13 points de pourcent. Le recul du secteur public fédéral est encore plus frappant. En 2004, 87,8 % des institutions publiques fédérales respectaient l’obligation ; en 2014, ce pourcentage était retombé à 49 % pour augmenter à nouveau légèrement en 2015 et s’établir à 52,1%. Dans le secteur à profit social, le nombre d’entreprises qui satisfont à l’obligation individuelle d’embauche de 1,5 % est resté assez stable pendant la période examinée. Ce n’est que dans la Région de Bruxelles-Capitale que la part d’entreprises satisfaisant à cette obligation est moins élevée tout en restant cependant supérieure à 85 %. »
Objectif 4% ? Largement atteint dans le secteur privé.
Les Conseils constatent que l’objectif global de 4 % pour l’ensemble du secteur privé a largement été atteint sur l’ensemble de la période examinée. Les statistiques analysées de l’ONSS montrent que la part des jeunes travailleurs de moins de 26 ans occupés dans l’ensemble des entreprises du secteur privé, en pourcentage de l’effectif des entreprises de plus de 50 travailleurs au deuxième trimestre de l’année précédente, est de plus de 20 % sur la période 2005-2013. En 2015, ce pourcentage était, à 18,7 %.
Les conventions de premier emploi sont principalement des contrats de travail ordinaires …
Sur la base des réductions de cotisations ONSS, les Conseils constatent que la réduction groupe-cible pour les jeunes moins qualifiés, les jeunes très peu qualifiés ou les jeunes peu qualifiés d’origine étran- gère ou handicapés n’est utilisée que dans une très faible mesure. Il s’agit d’environ 18 000 jeunes au total, soit environ 4,5% des jeunes de moins de 26 ans. Ce pourcentage est très faible, en particulier si on le compare avec l’ensemble du groupe des jeunes de 15-24 ans peu qualifiés (15,7 % du nombre total de jeunes travailleurs en 2015). Depuis 2013, quatre réductions sont encore applicables pour les jeunes en convention de premier emploi. Au deuxième trimestre de 2015, ces réductions concernaient 5 % des jeunes de moins de 26 ans.
Cela pourrait notamment être dû, à côté d’autres facteurs, au fait que les entreprises connaissent trop peu ces réductions de cotisations. Il s’agit pourtant d’une mesure qui peut non seulement accroître l’embauche des jeunes, mais aussi inciter les entreprises à mener une politique du personnel axée sur la gestion des âges. À cet égard, un mécanisme efficace d’exploration/de reconnaissance des droits pourrait être mis en place.
En ce qui concerne la ventilation par sexe, les Conseils constatent que la part des femmes dans les premiers emplois (moins de 26 ans) augmente et passe de 47,6 % en 2004 à 51,9 % en 2015.
… mais l’emploi n’augmente guère et le chômage diminue à peine …
Dans tous les pays de l’Europe des 15, le taux d’emploi des jeunes est plus faible que celui des adultes (25-64 ans). Avec un taux d’emploi des jeunes (15-24 ans) de 23,4 % en 2015, la Belgique obtient un résultat beaucoup moins bon que le résultat moyen de l’Europe des 15 (35 %). Le taux d’activité des jeunes Belges entre 20 et 24 ans (51 %) est aussi l’un des plus bas de l’UE-15 (en moyenne 63,7 %).
Une des raisons est le grand nombre de jeunes qui étudient encore, en raison de l’obligation scolaire et suite aux nouvelles possibilités de cycles d’études dans l’enseignement supérieur dans le cadre du processus de Bologne, ce qui relève l’âge de l’entrée sur le marché du travail. Par ailleurs, il y a l’ampleur du retard linguistique et scolaire et l’ampleur du redoublement. Une meilleure adéquation entre l’enseignement et le marché du travail pourrait favoriser le taux d’emploi des jeunes en Belgique. L’une des pistes serait de faciliter et de développer l’enseignement en alternance, un système qui est encore trop faiblement étendu en Belgique par rapport à d’autres pays européens.
Tous les pays de l’UE-15 sont confrontés à un taux plus élevé de chômage chez les jeunes (20-24 ans) que chez les adultes (25-64 ans). Partout, le taux de chômage des jeunes, exprimé en pourcentage de chômeurs dans la population active (20-24 ans, actifs occupés+chômeurs) est au moins 1,5 fois plus élevé que celui des adultes (25-64 ans). En Belgique, ce ratio est de 2,9. Le taux de chômage des 25- 64 ans en Belgique (7,4 %) est inférieur à la moyenne de l’Europe des 15 (8,8 %). Le taux de chômage des jeunes Belges (21,1 %), en revanche, est supérieur à la moyenne de l’UE-15 (19,1 %).
L’emploi durable: un élément auquel les partenaires sociaux accordent une attention particulière
Les Conseils constatent, sur la base de l’analyse, que bien que l’obligation individuelle en matière de premiers emplois soit respectée à 77,8 %, l’emploi des jeunes en Belgique est inférieur à la moyenne européenne. Ils soulignent que cette situation est également influencée par la conjoncture, mais que la situation des jeunes peu qualifiés, principalement de ceux d’origine étrangère, reste précaire.
Les Conseils signalent dès lors qu’ils ont pris et prendront de nombreuses initiatives en vue d’améliorer la position des jeunes, et en particulier des jeunes peu qualifiés, sur le marché du travail.
Partant du constat que le nombre de jeunes quittant l’école prématurément et le taux de chômage des jeunes en Belgique sont préoccupants, les partenaires sociaux interprofessionnels ont acquis la conviction que les systèmes de formation en alternance constituent un moyen adéquat pour apporter une solution à ces difficultés d’insertion sur le marché du travail.
Le CNT et les partenaires sociaux, pourtant clairement engagés en la matière, regrettent que le gouvernement en place au début de l’année 2014 n’ait pas tenu compte de ses recommandations. Le CNT relance un appel à tous les acteurs concernés, tels que les fonds sectoriels, les Communautés et les Régions d’une part et les établissements de formation et d’enseignement d’autre part, pour qu’ils jouent un rôle actif dans la politique d’accroissement du nombre de places de stage d’intégration en entreprise.
Source : CNT-NAR