Celles et ceux qui privilégient le fond expriment souvent leurs regrets. Nous sommes dans l’ère de la communication à tout prix et du manque de nuances qui la caractérise souvent. Enjeux de visibilité, surconsommation d’infos, débats stériles, rumeurs dégoûtantes,… Bref. Même lorsque nous développons les meilleures intentions dans nos projets humains, nous pouvons échouer si la communication n’est pas maîtrisée. Or, la com est une discipline en soi qui est venue s’ajouter dans la liste des compétences indispensables du People Manager. Conséquence: soit on acquiert rapidement les skills nécessaires, soit on s’entoure sans tarder d’un cheval de course en la matière. Entre les deux, votre coeur balance? On vous éclaire pour faire le bon choix.
Le mariage entre RH et Communication, nous en parlons depuis plus d’une dizaine d’années déjà. Pas franchement novateur donc… C’est vrai, mais il nous semble que les curseurs ont bougé. Nos collègues ont un autre rapport à l’information (omniprésente) et leurs attentes ont évolué au fur et à mesure que les nouveaux média, à commencer par les réseaux sociaux, ont pris le pas sur les média traditionnels. La crédibilité de notre communication est aussi beaucoup plus fragile aujourd’hui. Essayons de comprendre les défis à relever pour s’imposer sur ce terrain miné.
A qui faire confiance ?
Si la communication s’est imposée comme une des disciplines centrales du People Management, c’est aussi pour de bonnes raisons. En l’occurence, c’est de pédagogie et d’adhésion qu’il s’agit. La première nécessité absolue consiste à expliquer ce que l’on fait, pourquoi et comment on le fait.
Deuxième objectif : emmener avec soi, dans la trajectoire continue du changement. Et ces deux missions doivent être remplies dans un espace/temps où l’esprit collectif est secondaire (le drame existentiel des organisations syndicales et nous y reviendrons très prochainement).
Le souci, c’est que personne ne croit plus personne. Pourtant, pour parvenir à s’installer comme une source digne de confiance, il ’suffit’ de dire la vérité. Toutefois, celle-ci n’est pas toujours audible dans le sens où elle ne correspond pas vraiment à ce que nos interlocuteurs ont envie d’entendre. Et elle n’est pas toujours certaine par ailleurs, dans le sens où de nouveaux événements peuvent toujours modifier la donne et in fine contredire nos prévisions. Alors, que faire? Expliquer, décoder, développer auprès de nos audiences un sens de l’écoute à la hauteur de notre engagement à partager ce que nous savons et ce que nous ambitionnons pour l’avenir. Encore et encore. Jusqu’à ce que les faits démontrent notre authenticité.
A l’ère de la contestation, les débats sont-ils devenus impossibles ?
Au-delà de la question de la confiance, il y a aussi celle qui concerne notre capacité à gérer les contradictions. Le ‘vrai’ et le ‘faux’ sont devenus des données relatives. Il suffit de dire aujourd’hui que l’on n’est pas d’accord pour que le débat devienne quasi impossible. Nous sommes entrés dans l’ère de la contestation systématique. Les preuves factuelles sont rejetées. Les arguments logiques sont confrontés à des émotions incontrôlées. Résultat de cette évolution infernale: le dialogue est difficile (mais il n’est pas impossible…).
Nous devons encore apprendre à mieux vivre avec les situations de conflit. Actuellement, les oppositions dégénèrent trop vite (l’actualité anxiogène nous le démontre chaque jour), et c’est pourquoi pouvoir vivre avec des antagonismes est une compétence à promouvoir. Ce n’est pas de la résilience en soi. Plutôt une façon de composer avec la contradiction, une forme de tempérance et de sagesse qui peut être perçue comme du détachement ou de l’indifférence de temps à autre.
Accepter le désaccord et pouvoir le gérer sereinement, cela représente un réel effort. Un pari sur la durée aussi car la vitesse est un facteur déterminant dans l’efficacité de la communication aujourd’hui. Aller à contre-courant n’est donc pas évident. Une des solutions consiste à travailler sur la répétition, pour être à la fois présent dans l’instant et dans la durée. A nouveau, l’approche requiert de notre part une grande disponibilité, à laquelle il faut ajouter une sérieuse couche de patience.
Essentiellement une question éthique
Ce n’est pas vraiment réjouissant tout ceci… Effondrement des piliers, perte de confiance vis-à-vis des figures d’autorité, incapacité à débattre… Alors que nous prétendons qu’il est essentiel pour chaque People Manager qui se respecte de s’engager sans réserve sur le terrain de la communication, nous voyons bien que celui-ci est truffé de mines anti-personnelles (au sens figuré bien sûr). Cela vous donne envie d’y aller?
Présentée de la sorte, la tâche n’est pas très attractive. Relativisons. La communication est avant tout affaire de bon sens. Nous devons nous appuyer sur des principes moraux simples, raison pour laquelle nous amène à affirmer que nous sommes bel et bien dans la sphère de l’éthique.
Primo, rappelons-nous que nous nous adressons toujours à des gens intelligentes (et c’est d’ailleurs pour cette raison que nous les avons recrutés). Secundo, nous apprenons sans cesse à écouter car la communication est une question d’échange avant tout. Et tertio, nous privilégions sans relâche la transparence et la vérité (aussi relatif que ce concept puisse être désormais) parce que l’on ne construit rien durablement sur le mensonge.
Derrière ces ‘évidences’, il y a un champ d’activités exceptionnel à explorer pour celles et ceux qui croient en l’importance du People Management. Les risques liés à la pratique de la communication sont proportionnels à l’impact que l’on peut avoir sur quelque organisation que ce soit. Parmi ceux-ci, nous pourrions d’ailleurs évoquer comment l’Intelligence Artificielle y prendra sa place (une idée à creuser pour la fin de cette année certainement !). Certains évoquent le manque d’humanité que l’IA introduirait dans la discipline. C’est une erreur! ChatGPT est d’ores et déjà capable de glisser de l’émotion dans le discours que vous lui demanderiez de préparer à l’intention de vos équipes…
Les questions liées à la fiabilité des sources d’information sont beaucoup plus essentielles. Tel est dès lors l’objectif que nous pourrions nous assigner mutuellement: devenir et rester, au sein de nos organisations respectives, une source d’information et d’échange fiable et pertinente. Cela s’obtient avec le temps, la qualité de l’écoute et la justesse de nos arguments. Avec un bel investissement personnel.
Jean-Paul Erhard