Editorial – Employés surmotivés: la bonne volonté et l’enthousiasme sont-ils les ennemis naturels de la bonne gestion?

Parler de désengagement, de démotivation, voire de démobilisation des travailleurs… c’est non seulement déprimant, c’est aussi ne montrer qu’un seul volet de la pièce. Prenons le contre-pied, ce n’est ni la première ni la dernière fois comme vous le savez. Car, en dehors des entreprises où l’inertie et la lourdeur dominent parfois, il y a en beaucoup d’autres où l’énergie et l’enthousiasme débordent carrément. Problème: elles ne parviennent pas toujours à les canaliser. Et dans ce cas, nous constatons que l’envie exprimée par les travailleurs provoque de réels soucis en matière de coordination, d’efficacité voire même de rentabilité. Lorsque nos organisations ’souffrent’ d’un excès d’engagement et de bonne volonté, une stratégie claire et partagée permet-elle d’éviter que cela ne ‘parte dans tous les sens’ ?

Au fond, nous pourrions considérer qu’il s’agit d’une ‘situation de luxe’ lorsque l’entreprise doit faire face à la multiplication des initiatives et au désordre… Le manager qui va se plaindre du surplus d’énergie et d’entrain de ses collaborateurs ne mesure sans doute pas sa chance, surtout s’il doit se comparer avec un pair qui passe ses journées à traîner des boulets. Pourquoi? Nous sommes souvent amenés à constater que la définition et la bonne communication de la stratégie ne suffit pas à transformer cette force motrice en efficacité.

Ce foutu paradoxe entre autonomie et encadrement

Au rayon des attentes contradictoires formulées par les travailleurs apparaît fréquemment le besoin d’autonomie et la nécessité de bénéficier d’un bon encadrement… L’équilibre est compliqué à trouver. Laisser une liberté totale amène certains de nos collègues à évoluer rapidement sur une autre planète, fort fort lointaine de la stratégie collective. Trop de guidance par ailleurs est considéré dans la plupart des cas comme une volonté de freiner les élans novateurs. Bref, pas de recette unique comme souvent mais bien une grande exigence d’adaptabilité pour tirer le meilleur de l’équipe en fonction des circonstances. Cependant, nous devons réaliser que l’autonomie coûte beaucoup d’argent (et qu’elle n’en rapporte pas toujours autant…). Un travailleur qui avance dans la réalisation de son projet engage inévitablement des dépenses qui ne sont pas toujours planifiées. C’est dans ces conditions que la ‘procédure’ s’avère tellement importante: les entreprises qui privilégient l’autonomie doivent reposer sur des processus hyper cadrés. Le prix de la liberté, c’est une organisation collective sans faille, sans quoi elles multiplient souvent les dépenses redondantes voire inutiles.

Vitesse, précipitation… et alignement

L’autre facteur qui menace de temps à autre les principes élémentaires de gestion, c’est la vitesse. Dans notre environnement économique, il faut comprendre, évaluer et décider rapidement. Cela peut se concevoir. De plus, ce n’est jamais qu’un de nos exercices préférés, à savoir celui qui consiste à améliorer sans cesse notre capacité à répéter les mêmes mécanismes en réussissant à les enchaîner de plus en plus vite. Ce n’est donc pas la vitesse ni la précipitation qui peuvent nous causer des tracas. C’est le besoin d’alignement des troupes qui s’avère plus délicat à mettre en oeuvre. Il faut du temps pour mettre nos équipes en phase, non seulement pour s’assurer d’une compréhension commune mais aussi pour installer la synchronisation des efforts et surtout l’envie de s’inscrire dans une dynamique collective. Cela implique notamment d’accepter d’entrer dans une relation de dépendance, légèrement contre-nature pour les petits génies qui règnent dans nos open-spaces…

Construire une culture d’anticipation des risques

Combien de fois nous sommes-nous retrouvés dans la position où nous savons exactement ce qui va se produire et où malgré tout nous ne parvenons pas à préparer déjà la réaction appropriée? Ce qui nous en empêche? Dans certains cas, le besoin de se mettre en danger afin de tester nos aptitudes en terrain hostile. Dans d’autres, l’absence de méthode permettant à l’équipe de réfléchir de façon coordonnée.
L’anticipation des risques et des impactsest indispensable de nos jours. Elle n’interdit pas la prise d’initiative, bien au contraire. Elle augmente notre niveau d’exigence et développe nos capacités de réaction lorsque les résultats ne sont pas ceux que nous espérions. Mieux encore, elle nous offre une belle sensation de confort voire de plaisir qui se concrétise lorsque les événements confirment nos intuitions. Elle peut enfin nous offrir l’occasion de mener un travail de réflexion idéal pour augmenter la cohésion et le sens du collectif.

Au final, rien de désespérant dans les constats qui précèdent. Nous pouvons y arriver. Pour cela, il y a grand besoin de développer et d’entretenir deux compétences simples et pourtant rares aujourd’hui: la persévérance et le sens de la gratuité. La première nous amène à achever le travail entamé, surtout lorsque les derniers mètres sont les plus difficiles à parcourir. La seconde consiste à se mettre toujours au service de celles et ceux qui nous entourent.

Conjuguer le sens de la finition à la culture du zapping et à l’agilité qui nous caractérisent est un défi de chaque instant. Dans toutes les sphères de nos vies privées et professionnelles. Nos entreprises regorgent de virtuoses, de femmes et d’hommes brillants (et dépourvus d’humilité aussi). Partager avec eux cette discipline intérieure qui consiste à mener un travail à son terme et à le transmettre dans les meilleures conditions à celle ou celui qui va le poursuivre, voilà un chantier qui mérite bien quelques efforts de notre part.

Jean-Paul Erhard

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