Dans un monde que l’on dit globalement ‘dégradé’, que notre rapport au travail soit lui aussi détérioré ne serait pas une grande surprise… Mais est-ce vraiment le cas? Le questionnement de notre relation au boulot est sans doute plus profond qu’il ne l’a jamais été. Mais cela ne veut pas forcément dire que la plupart de nos travailleurs considèrent désormais leur job comme leur pire fardeau. Au contraire, ceci atteste peut-être de la place centrale qu’occupe le travail dans nos vies, et non de notre désaffection à son égard ou d’une quelconque forme de rejet… De là, l’intérêt de trouver les moyens de créer de l’enthousiasme, de la joie, de l’exaltation dans les murs de nos entreprises…
Oui, c’est possible. Proposer un cadre professionnel dont la mission principale consiste à promouvoir l’épanouissement des individus qui y évoluent n’est pas une utopie. La pratique nous contredit souvent. Comment pouvons-nous donc jeter les bases d’une dynamique positive et réenvisager l’éventualité de ces moments empreints de positivisme?
Au début, il y a le respect…
Voilà une notion qui prend aujourd’hui des formes aussi variées que la reconnaissance du travail accompli, la prise en compte des problématiques issues de la sphère privée dans le suivi des performances ou encore la personnalisation de la relation de travail dans toutes ses dimensions.
Sans respect, la communication devient impossible. Reprenons les fondamentaux donc. Mon travail est-il utile? Ma contribution est-elle identifiée? Mes compétences – et mes spécificités – sont-elles valorisées? Les attentes de base à rencontrer font partie du contrat moral qui unit le travailleur et l’employeur à chaque instant, tant dans l’enceinte de l’entreprise qu’en dehors de celle-ci. Pourquoi est-il de plus en plus fréquent de le mettre en application? L’exercice du pouvoir passe souvent par l’humiliation ou le dénigrement, à l’image d’une société agressive. Nos entreprises ont pourtant énormément à gagner en (re)devenant des zones refuges où l’intégrité mentale et physique peut être garantie.
Prendre des risques, ensemble
Face à la complexité des défis qui se présentent à nous, la solidarité s’impose peut-être comme la réponse la mieux adaptée. Il s’agit certainement d’une des particularités remarquables de notre espèce: lorsque nous sommes confrontés à des situations difficiles ou nouvelles, notre réflexe premier consiste à faire face collectivement. Deux avantages à cette prédisposition: cela permet, d’une part, de donner un sens au dur labeur via l’aventure humaine que l’on est en train de partager et, d’autre part, de ‘diluer’ la responsabilité en cas d’échec. En bref, ok pour relever le défi à condition de pouvoir s’appuyer sur des pairs qui doivent composer avec les mêmes appréhensions. Ok pour le challenge à condition de pouvoir se dire que tout ceci en valait la peine, ne fût ce que pour l’expérience collective que nous avons pu vivre. Dans les deux cas, être moins seul est une motivation importante. Et satisfaire notre besoin de ‘rassurance’ est un moyen d’engager les troupes vers de nouveaux objectifs ambitieux.
La recherche du plaisir
Effort, labeur, défi,… Tout cela évoque au fond une forme permanente de ‘pénibilité’… De quoi se poser la question suivante: est-il encore possible de connaître des moments de réjouissance au travail? Y a-t-il encore des occasions de sourire dans nos environnements professionnels?
Bien sûr, nous sommes toutes et tous équipés de ‘capteurs’ différents qui déclenchent nos émotions positives… Chez certain.e.s, ce sera la satisfaction du devoir accompli ou l’atteinte de résultats exceptionnels. D’autres trouveront leur plaisir dans la qualité des échanges et des connexions avec des collègues chaque jour un peu plus proches de nous… Les leviers du plaisir sont nombreux (et quasi immuables), il est bon de le rappeler. A condition de prendre le temps de ‘profiter’ de chaque opportunité. Seul un sens des priorités contestable nous empêche de les activer. A nous donc de veiller à donner le temps et l’espace au plaisir dans notre quotidien professionnel.
Respect individuel, dynamique collective, quête assidue du plaisir… C’est finalement une philosophie de travail fondée sur des principes assez simples, directement applicable dans notre vie de tous les jours et surtout dans notre rapport aux autres. Ce qui nous frappe (et qui ne manque pas d’étonner celles et ceux qui découvrent les fonctions managériales telles qu’il convient de les exercer aujourd’hui), c’est la place essentielle qui revient au dialogue. La pratique du People Management exige que nous acceptions de consacrer un temps important à la conversation. Elle passe inévitablement par le language et par l’écoute. Qu’on se le dise, il faudra trouver les mots pour réenchanter les travailleurs. Des mots forts et justes.
Jean-Paul ERHARD