Editorial – En mode directif ou participatif? Nos entreprises et nos managers ont besoin de repenser leur rapport au pouvoir et la manière de prendre leurs décisions.

Pour qu’une entreprise progresse dans la réalisation de ses objectifs, il faut des décisions. Comment procéder? La démarche participative limite à priori le risque d’erreur mais elle prend du temps, beaucoup de temps. Une gestion plus ‘directive’ est forcément plus rapide mais elle est aussi plus risquée. La question centrale est celle du pouvoir et de la manière de l’exercer. Le leadership doit-il intégrer dans son modus operandi la façon d’organiser la prise de décision ET la manière de challenger celle-ci en créant un espace de remise en question. Le management doit-il repenser son rapport au pouvoir et veiller dans le même temps à soutenir son contre-pouvoir? Une réflexion intéressante à l’échelle de nos organisations aujourd’hui, au moment où nous sentons que la tentation des pouvoirs forts et de la dictature gagne du terrain dans les esprits d’un nombre inquiétant de nos semblables…

L’entreprise reste donc un lieu de pouvoir. Et la manière dont il s’exerce évolue avec le temps. La transparence et l’intensité avec laquelle la communication s’opère aujourd’hui nous ont obligé à revoir notre relation à l’autorité. L’argument qui consiste à dire « je décide pour la bonne et simple raison que je suis le seul à savoir » ne tient plus. Pourquoi? Tout le monde sait tout. Ou plutôt, tout le monde pense tout savoir. Et à ce titre, il est normal que chacun se sente autorisé à exprimer un avis définitif qui, par orgueil ou par intérêt ou par clairvoyance, devrait susciter l’adhésion. C’est la raison pour laquelle le pouvoir ne peut plus s’exercer de manière unilatérale. Il risque en effet de crisper celles et ceux dont l’opinion n’a été ni entendue ni prise en compte. Il peut même immobiliser une entreprise entière.

Ne pas confondre vitesse et précipitation… Pourtant, il faut parfois trancher rapidement !

L’avantage principal d’une prise de décision très ‘centralisée’ repose sur la notion du temps. Dans un environnement économique où le retard accumulé lorsqu’il s’agit de décider peut être fatal, le réflexe naturel consiste à ne pas trop se poser de questions et à prendre les responsabilités qui incombent à la fonction dirigeante. Après tout, un manager est payé pour ça, non? Décider, choisir, trancher… Il suffit d’arriver à vivre avec la tension inhérente au risque d’erreur. Certains y arrivent sans souci (voire mieux encore, cette tension les stimule). D’autres sont inhibés et peinent à engager leur entreprise et leurs équipes dans la voie qui semble la plus judicieuse. Décider vite et vivre avec!
Il y a, comme toujours, une autre voie. La meilleure manière de ’tolérer’ une prise de risque importante (lire en l’occurence : une décision très rapide et assumée par un individu seul) passe par un travail important en amont. En développant une capacité de concertation constante et en multipliant les prises d’avis dégagées de toute sensation d’urgence, nous pouvons nous mettre en capacité de poser des choix forts sur des laps de temps courts lorsque cela s’impose. En clair, alimenter nos prises de décision par un travail de fond, de consultation et de réflexion partagée, permet de pousser sur l’accélérateur lorsque c’est nécessaire.

Liberté et structure

Notre environnement est complexe. Et les besoins exprimés par les travailleurs regorgent de paradoxes. En clair, ces derniers veulent des dirigeants charismatiques pour les guider avec force et détermination. Ils exigent aussi un espace de liberté maximum afin de pouvoir exprimer leur créativité. L’équation n’est pas simple à résoudre, ce qui n’aide certainement pas face à la nécessité de se positionner vis-à-vis du pouvoir. Renforcer l’autonomie des talents est indispensable. Leur offrir un encadrement structuré l’est également. L’effet de ces contradictions apparentes sur nos collaborateurs n’est pas uniforme. Celles-ci imposent aussi une grande agilité aux managers en charge des équipes. Leur ‘autorité’ s’apprécie parfois à la hauteur du degré de liberté offerte à leurs collègues. Elle se mesure de temps à temps en fonction de la clarté du cadre aquel les équipes se confrontent. En répondant à des attentes parfois antinomiques, le management incarne peut-être à la fois le pouvoir ET ce foutu contre-pouvoir qui s’avère bien nécessaire. Qui a dit que la tâche se rapproche de plus en plus de la bipolarité?

Au-delà de la logique habituelle d’opposition

Les partenaires sociaux et ce que nous appelons les corps intermédiaires sont identifiés naturellement comme le contre-pouvoir type avec lequel il faudra composer. Ce ne sont pas les seuls. D’ailleurs, s’ils sont ‘bousculés dans ce rôle de contradicteur, ce n’est pas uniquement parce qu’ils peinent à être force de proposition. C’est aussi parce que les dirigeants ont compris depuis un moment déjà qu’ils ont intérêt à organiser la confrontation directe avec les avis ‘différents’ voire divergents. Le « nouvel élément » déterminant, c’est l’adoption d’une posture positive par rapport à la diversité des opinions au sein d’une équipe ou d’un département. Ainsi, la gestion du contre-pouvoir peut sortir d’une logique traditionnelle d’affrontement. Même si les attentes en matière de leadership sont très élevées parmi nos collaborateurs, comme au sein de la population, il nous est possible de proposer un modèle basé sur la proximité et la coopération plutôt que sur la gestion de rapports de force.

Un grand pouvoir implique de grandes responsabilités. Ce n’est pas la première – ni la dernière – que nous convoquons Spiderman pour conclure notre réflexion hebdomadaire. Que retenir en fin de compte? Que l’exercice du pouvoir n’est plus uniquement une question de capacité à décider. Qu’il passe aujourd’hui par une action continue et non par des moments clés où s’exprime la clairvoyance du dirigeant. Qu’il porte en lui-même la diversité des points de vue et qu’il peut rendre compte à ce titre des idées dominantes et de leurs contraires…
Puisqu’il y va de grandes responsabilités, sans doute pouvons-nous retenir que la première d’entre elles vise à entendre et comprendre ce que nous confient nos interlocuteurs sur le terrain puisque ceux-ci incarnent via leurs différences à la fois le pouvoir et le contre-pouvoir.
Compliqué? Pas vraiment. Exigeant? Sans l’ombre d’un doute. Intéressant? Cela va de soi.

Jean-Paul Erhard

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