Présenté comme cela, ce n’est pas super engageant. Cela manque de romantisme économique et d’envolée narrative. Mais nos entreprises ont avant tout besoin de ce précieux bon sens terrien et d’une prise de conscience urgente de la réalité quotidienne dans laquelle vivent leurs travailleurs. Lorsque celle-ci est pénible que ce soit sur le plan de l’intégrité matérielle ou sur celui de la santé mentale, qui peut intervenir? Nous ne pouvons en tout cas ni l’ignorer, ni prétendre avoir réponse à tout. Reste alors l’objectif raisonnable consistant à avoir un impact positif sur la vie de celles et ceux qui en expriment le besoin. Et ce n’est pas une mince affaire…
Le rôle du leader gagne chaque jour davantage en complexité. Les domaines qu’il faut maîtriser aujourd’hui sont tellement divers que le rôle qui consiste simplement à diriger devient un repoussoir. Est-il encore pertinent de vouloir prendre en mains le sort d’autrui pour finir par se plaindre par l’individualisme généralisé et les contradictions multiples affichées par celles et ceux qui nous entourent? Même les esprits sain(t)s risquent de s’y perdre…
Toujours bon à rappeler: la gestion d’une entreprise et d’une équipe n’a rien d’héroïque.
Dans l’imaginaire qui rôde autour du monde de l’entreprise, il y a toujours cette représentation du manager, forcément isolé, pliant sous le poids des responsabilités comme si le monde entier dépendait de sa prochaine décision. Ce n’est pas la réalité. Les moments-charnières et les grandes inspirations sont rares. Ce ne sont que des exceptions.
Le leadership est avant tout l’accumulation de petites décisions mineures et c’est cela qui explique toute l’importance de cultiver la constance et la cohérence dans l’enchaînement de ces événements insignifiants. La capacité à répéter nos actions et à les perfectionner – ce que nous appelons l’artisanat au fond – a bien plus de valeur qu’un coup d’éclat. Aussi, le levier de motivation sur lequel s’appuient encore bien des séances de team building n’est plus opérant. Le dépassement de soi n’est plus la finalité. C’est d’affirmation dont il est question aujourd’hui. Être soi, tout simplement malgré les contraintes et la compétition.
Pourquoi le concept de ‘leader vulnérable’ reste-t-il un piège à éviter?
Même si le mythe du super-héros s’est effondré, son parfait contraire (juste quelqu’un.e de normal.e) n’est pas le bienvenu. Cet autre modèle, souvent présenté comme celui du leader affichant sans crainte sa vulnérabilité, n’a pas remporté les suffrages. De quoi s’agit-il ? D’une représentation du leader hyper empathique, naturellement sensible et terriblement proche…
Le projet qui visait à installer ce modèle au rang de nouveau standard a échoué. Parce que le fait d’afficher nos propres faiblesses n’a jamais rien généré de positif sur le moyen et long terme. Nous ne sommes pas libérés des enjeux du pouvoir, raison pour laquelle les leaders vulnérables partent souvent avant même d’être balayés par la concurrence ou la gouvernance, faute d’avoir réussi à occuper l’espace autrement.
Quelle définition pour le pragmatisme en matière de leadership?
Puisque ni l’une (héroïque), ni l’autre (vulnérable) ne fonctionne vraiment désormais, quelle est donc la solution que nous souhaitons privilégier au moment d’entrer en 2025? Nous voulons du pragmatisme. Ce n’est certainement pas ce que l’on appelle souvent ‘la solution du milieu’, celle qui vise à trouver l’équilibre ou l’alternance entre la force et la faiblesse, entre l’omniprésence et l’effacement. C’est quoi alors ?
Retour rapide au dictionnaire : le pragmatisme est une doctrine philosophique selon laquelle n’est ‘vrai’ que ce qui fonctionne réellement. Le critère de vérité retenu pour une idée, une théorie, une méthode est sa possibilité d’action sur le réel.
Cela nous ramène bien entendu à la notion de l’impact. Mais aussi au partage du principe de progrès. Nous sommes là pour que cela change (idéalement, en mieux !). Et pour y arriver, il faudra être mobile, çàd capable de donner la priorité à la transformation de la réalité lorsque celle-ci ne répond plus aux attentes. De ne jamais se contenter des faits accomplis. De ne pas se résigner face aux blocages.
Ramener le leadership au niveau terrien, dans les tranchées du réel, ne peut pas plaire à tout le monde. A commencer par celles et ceux qui s’évertuent à poser la question du sens au travail qui, c’est vrai, nous exaspère. Nous pensons que, dans de nombreux cas, ce sont des états d’âme réservés à des profils nantis et désabusés.
Face à la détérioration du pouvoir d’achat des travailleurs et à l’explosion répétitive des coûts de personnel, il y a un rôle à jouer pour des leaders pragmatiques qui comprennent ces problématiques et s’en emparent avec un bel appétit. Sommes-nous prêts. Il est temps d’y aller…. 2025, nous voici !
Jean-Paul Erhard