Pour un dirigeant, l’entreprise devrait presque toujours tourner au maximum de ses capacités. La période qui commence va les soumettre à rude épreuve. Anticipons de quelques jours, une fois n’est pas coutume… et préparons-nous à entrer dans une phase de léthargie qui va nous conduire gentiment jusqu’au début du mois de janvier. Oui, il y a des temps ‘forts’ et des temps ‘faibles’, des phases d’accélération et de ralentissement… Et ces pauses (ou temps dits ‘faibles’) sont terriblement nécessaires pour la plupart des travailleurs. Pourquoi?
Notre rythme de travail n’a plus rien d’un continuum. Ce sont des coups de boutoir qui se succèdent et des coups de frein tout aussi brutaux, déterminés à la fois par les urgences du ‘business’ et les capacités de nos équipes. L’idéal pour les partisans d’une meilleure répartition de nos efforts consisterait à éviter la fureur et à limiter les plages de repos. Ce n’est clairement pas le sens de la marche. Notamment parce que nous avons grand besoin de ces pauses régénératrices.
La fin d’année, c’est avant tout le temps des reconnaissances
La période dans laquelle nous sommes sur le point d’entrer est généralement dédiée aux gratifications et à la reconnaissance. Et ce serait dommage de s’en priver. Clôture de l’exercice pour la plupart, fêtes collectives, célébrations, primes de fin d’année… Ce sont des rituels importants qui ponctuent nos vies et nous offrent le renouveau des ressources internes nécessaires pour poursuivre dans tous les cas et aller plus loin lorsque c’est possible.
Consacrer du temps à ces moments de collégialité permet de revenir à des sentiments simples. Exprimer des remerciements en dehors de la frénésie du quotidien et dresser un bilan construit – çàd qui ne repose pas sur les impressions des quelques dernières semaines comme c’est le cas de la plupart des évaluations… -, ce sont de réelles marques d’attention qui sont les pierres angulaires d’un people management sincère.
Principal danger des temps faibles: la remise en question
Parce qu’il faut toujours regarder les deux côtés de la médaille, nous devons rappeler que la période est souvent mise à profit également pour reconsidérer la pertinence voire l’intérêt de nos efforts.
C’est en effet le moment où l’on prend de grandes décisions. Il y a un risque réel de désengagement lorsque nous avons l’impression que notre apport n’est pas reconnu ni apprécié à sa juste valeur. Il y a aussi un risque d’abandon lorsque nous constatons que les difficultés de compréhension se multiplient. Au fond, nous savons que les sentiments sont exacerbés avec les derniers jours de l’année. Raison de plus pour respecter le besoin de respirer affiché par bon nombre de nos collaborateurs.
Reconstruire un bon niveau d’estime de soi
Jour après jour, semaine après semaine, mois après mois, notre confiance est bousculée. Laquelle, me direz-vous? Celle qui nous pousse à croire en nous et en celles et ceux qui nous entourent, pardi. Sauf à l’exercer dans une solitude extrême, le travail nous amène inévitablement à faire des concessions sur nos certitudes et parfois même sur nos convictions. Quitte à avaler quelques couleuvres (au goût, je vous préviens, ce n’est pas terrible)…
Nous devons composer avec des collègues, des clients, des partenaires qui n’ont pas les mêmes priorités que nous. Forcément, tôt ou tard, le doute s’installe quant à notre propre manière de fonctionner. C’est peut-être là que se trouve le bénéfice principal que nous pouvons tirer d’une phase de ralentissement telle que celle qui se prépare… Reprendre confiance dans nos moyens et nos croyances. Reconstituer notre stock d’estime de soi afin d’affronter la prochaine vague.
Au final, nos managers apprennent doucement à gérer des séquences d’activités dont la principale caractéristique est l’irrégularité. Cela fait longtemps déjà que la vie de nos entreprises n’est plus une marche militaire, répétitive et soutenue. Il faut alterner le tempo effréné et la ballade romantique. Plutôt intéressant, en fait.
Après avoir prôné la performance par l’accélération et la virtuosité – en clair, l’excellence et rien d’autre! -, nous devons réussir à intégrer dans cette quête une forme de tempérance. Celle qui nous conduit à poser les stylos, baisser l’écran du laptop, retourner le smartphone pour qu’il puisse entrer en communication avec la table de chevet. Celle qui nous incite à profiter des temps faibles de l’activité pour prendre soin de soi et des autres, encore et encore. Celle qui nous inspire aujourd’hui et pour cette fin d’année une chanson douce (que me chantait ma maman…).
Jean-Paul Erhard