Les scores de bonheur des Belges continuent d’augmenter légèrement, pour presque atteindre les niveaux d’avant la pandémie. Après avoir chuté lors de la première et de la deuxième vague, les émotions positives remontent maintenant pour la première fois. Mais chez le groupe d’âge le plus jeune, ces sentiments positifs sont en baisse, ce qui est tout de même frappant, car l’année dernière encore, ce groupe a enregistré la plus forte augmentation du bonheur. Quant aux groupes professionnels, les indépendants obtiennent de meilleurs résultats dans tous les domaines.
Nouvelles moins positives : les Belges craignent davantage pour l’avenir de la société et notre méfiance à l’égard de la politique a atteint un nouveau point critique. La lumière est au bout du tunnel, mais il y a encore de quoi s’améliorer.
Notre score de bonheur à travers les vagues de la pandémie
Notre bonheur a durement été touché ces dernières années. Les composantes essentielles de notre bonheur, telles que nos relations sociales, notre situation financière et notre autonomie, ont été mises à rude épreuve. Nous pouvons le constater via le score de bonheur (échelle de Cantril) à travers les différentes périodes de mesure. Avant la première épidémie de coronavirus, les Belges obtenaient une note moyenne de 6,7 sur 10. Après l’épidémie, ce score a chuté, jusqu’à ce qu’au milieu de la deuxième vague, en décembre 2020, le point le plus bas soit atteint : 6,2 sur 10. Après la quatrième vague, en janvier 2022, il y a eu une hausse significative faisant remonter le score à 6,4 sur 10. À la fin de l’année 2022, huit mois après la fin des mesures corona, la hausse se poursuit (légèrement) pour atteindre 6,6 sur 10.
Malgré l’euphorie après la pandémie, les émotions positives des jeunes sont désormais en baisse
Le bonheur ne se mesure pas seulement par l’échelle de Cantril, mais aussi par la quantité d’émotions positives que nous éprouvons. Nos émotions positives, qui étaient encore en baisse pendant la deuxième vague et après la quatrième vague, sont maintenant en hausse pour la première fois. Ce n’est que chez les jeunes (18 à 34 ans) que l’on observe une nouvelle baisse. Ce résultat est étonnant, car ce sont eux qui ont enregistré la plus forte augmentation du bonheur l’année dernière. Encore plus frappant : en ce qui concerne les fortes augmentations du bonheur, les plus de 65 ans reprennent le flambeau des jeunes.
« Il est en effet frappant d’observer la tendance inverse chez les jeunes. Mais il y a une explication à cela. Après la suppression des mesures Covid-19, nous avons observé la plus forte augmentation de bonheur chez les jeunes, la liberté retrouvée y étant sans doute pour quelque chose. Entre-temps, la situation est revenue à la normale depuis un certain temps déjà, de sorte que cette hausse s’est atténuée. De manière globale, les personnes âgées éprouvent plus d’émotions positives que les plus jeunes. En outre, la pandémie a rendu pratiquement impossible la constitution d’un réseau social, ce qui est justement crucial dans le stade de vie du groupe le plus jeune », explique le professeur Lieven Annemans.
« A peine la crise Covid terminée, il y a eu coup sur coup la guerre en Ukraine et la crise énergétique. Les jeunes ont vu des entreprises, des indépendants, leurs parents en difficulté, ce qui n’est pas rassurant. L’enjeu de la période de l’adolescence et du jeune adulte est justement de s’autonomiser et de trouver une forme d’indépendance. Le contexte de crises successives et d’insécurité actuel, accompagné de la morosité ambiante, ne leur apporte pas le terreau de confiance, de sérénité et d’espoirs suffisants pour faire des choix, aller de l’avant, se projeter. C’est une forme de rejet d’une société qu’on leur propose. Face à cela, on peut créer, imaginer, inventer, innover, … ou bien être dans le désespoir. Les effets sur la santé mentale des jeunes sont extrêmement inquiétants : le nombre de demandes d’hospitalisation psy sont énormes mais le nombre de place insuffisant ; le nombre de tentative de suicide chez les jeunes inquiète énormément les professionnels de soin. » commente Catherine Choque, psychologue-clinicienne et experte en santé mentale.
« Quand les mesures ont été levées, il y a eu une sorte de cage qui a été ouverte et donc on a recommencé à savourer la vie et à se dire « on est libre, on va profiter à fond. » Le problème, c’est qu’une situation tendue a été remplacée par une autre situation tendue. Quand ils ont commencé à lever les mesures, il y a eu la crise en Ukraine. Donc forcément, le bonheur que j’ai pu ressentir quand on a retrouvé une vie « normale » n’a pas été de longue durée malheureusement, et mon sentiment de bien-être vis-à-vis de ça est vite retombé pour redonner sa place au quotidien », Sacha Liegois, 25 ans, travaille dans le bien-être animal.
Les sentiments d’autonomie, d’appartenance sociale et de compétence (les 3 B du bonheur) remontent
Les Belges ressentent aujourd’hui autant d’autonomie et de compétence qu’avant la pandémie. L’engagement a légèrement mais significativement augmenté par rapport au score avant la pandémie. Les travailleurs indépendants obtiennent d’ailleurs les meilleurs résultats dans tous les domaines.
Même si les indépendants obtiennent les meilleurs résultats dans toutes les composantes des 3 B du bonheur, ils doivent rester vigilants quant au revers de la médaille. Après tout, l’excès de zèle et le surmenage peuvent aussi les faire se sentir dépassés. Selon les chiffres de l’INAMI, de 2016 à 2021, il y a augmentation de 59 % des invalidités dues au burn-out ou à la dépression chez les travailleurs indépendants.
« Les travailleurs indépendants obtiennent effectivement de meilleurs résultats sur certains éléments fondamentaux du bonheur. Toutefois, cela ne signifie pas qu’ils sont à l’abri des principaux facteurs de risque de burn-out, tels qu’une charge de travail élevée, de longues heures de travail et une pression émotionnelle. De plus, les indépendants bénéficient d’une sécurité sociale moindre, ce qui les incite davantage à continuer à tout prix et à “ignorer” les signes latents du burn-out. C’est de cette manière qu’ils foncent droit dans le mur sans s’en rendre compte. Et puis, il est trop tard », explique Sara Claes, doctorante et psychologue.
Le Belge a encore des craintes sur l’avenir de la société
Bien que nous soyons clairement en train de sortir la tête hors de l’eau – seuls 7 % des Belges ont encore très peur du virus SRAS-CoV-2 –, les Belges sont encore préoccupés quant à l’avenir. Près de la moitié des personnes interrogées se disent très inquiètes. C’est plus du double par rapport à décembre 2020 (lors de la deuxième vague). Selon l’enquête, l’inflation, la crise énergétique et la guerre en Ukraine jouent un rôle crucial à cet égard.
« Les personnes anxieuses ont souvent tendance à penser au futur et à l’appréhender, le craindre. Elles ont tendance à ne pas l’envisager de manière positive. Il est important de les accompagner pour qu’elles puissent changer leurs croyances et leur mode de pensée afin de diminuer cette anxiété. Il s’agit de réaliser qu’on ne sait pas lire dans l’avenir, on n’a pas de contrôle sur cela. Cette anxiété peut aussi avoir des aspects positifs car elle permet de se préparer à ce qui peut arriver, d’anticiper, mais tout est une question de dosage. La crise actuelle provoque un stress à plusieurs niveaux. Comment s’apaiser au quotidien? Il s’agit entre autres d’agir là où on a un impact, là où on a un contrôle et de lâcher le reste sur lequel on n’a aucune prise. Par exemple, on peut agir sur notre réaction face au comportement de quelqu’un/ face à une crise mais on a aucun contrôle sur ce comportement/crise en lui-même. » explique Catherine Choque, psychologue-clinicienne et experte en santé mentale.
La confiance des Belges dans la politique atteint son niveau le plus bas
Avec un score de 3 sur 10, il est clair que nos politiciens ont beaucoup de travail à faire. En effet, il existe un lien évident entre notre bonheur et notre confiance dans la politique et dans les autres. Le rapport sur le bonheur dans le monde, publié chaque année par les Nations Unies, a montré l’an dernier que dans les pays les plus heureux, les gens exprimaient des niveaux élevés de confiance dans la politique et entre eux. Ceux qui voient d’un bon oeil leur gouvernement et la générosité de leur société ont donc pour objectif commun de mener une vie plus heureuse, plus saine et durable.2 La confiance dans nos médias (4,3 sur 10) et dans notre système judiciaire (4,5 sur 10) est également très faible.
Source: NN – Recherche dans le cadre de la chaire NN “Perspectives sur une vie longue et heureuse” à l’Université de Gand. La recherche est dirigée par le Prof. Dr Lieven Annemans et Drs. Sara Claes