Les enfants et les jeunes n’ont pas été assez entendus pendant la crise: l’anxiété et la dépression risquent de s’installer durablement au sein des nouvelles générations.

Le Conseil Supérieur de la Santé a déjà insisté dans ses avis précédents sur le lourd impact de la crise du coronavirus sur le bien-être mental des enfants et des jeunes. Dans son dernier avis, le Conseil a examiné les données disponibles concernant les enfants, les adolescents et les jeunes adultes. Malheureusement, les données concernant les enfants et les jeunes représentent pour le moment une lacune dans la littérature scientifique disponible, mais cela ne peut pas signifier un défaut d’attention. La centralisation des données concernant les enfants et les jeunes indique clairement que certains groupes ne peuvent pas (encore) faire entendre leur voix. Un suivi durable et une vigilance accrue sont donc fortement recommandés. Le Conseil constate que ce ne sont pas nécessairement ceux qui crient le plus fort qui ont besoin du plus de soutien.

Depuis le premier confinement en mars 2020, la vie de nombreuses familles a drastiquement changé. Le télétravail et l’enseignement à domicile ont poussé les parents à instaurer de nouvelles règles, routines et limites à la maison. Cela a entraîné des relations (parfois très) conflictuelles, tant entre les enfants et leurs parents qu’entre les parents ou les enfants entre eux. Le manque de soutien émotionnel des amis et l’absence des contacts habituels suite à l’isolement social ont débouché sur de fortes réactions émotionnelles. Les vulnérabilités existantes au sein d’une famille ont été exacerbées, avec des conséquences tangibles. Cette crise sanitaire n’a fait qu’intensifier les inégalités sociales et d’apprentissage.

Pour les étudiants de l’enseignement supérieur, l’impact au niveau mental est important. Une vaste étude belge menée en février-mars 2021 indique que près de deux étudiants sur trois se sont retrouvés en état de détresse psychique. Quatre-vingt pourcents se sentaient fatigués et manquaient de motivation. De plus en plus d’étudiants envisageaient d’arrêter leurs études. Les jeunes déclarent ressentir davantage de sentiments d’anxiété et de dépression par rapport à la même période de l’année précédente. Pas moins d’un jeune sur cinq aurait des pensées suicidaires et seulement 13 % affirment se sentir très heureux.

Après avoir interrogé les professionnels de la santé sur le terrain, il est ressorti que la situation était très préoccupante, notamment concernant l’augmentation de la demande de soins et l’allongement des listes d’attente. Le nombre de mineurs qui se sont présentés dans l’un des centres de soins à la jeunesse pour obtenir de l’aide a atteint en mars 2021 son plus haut niveau jamais enregistré à une exception près.

Soutenir la résilience des jeunes

La plupart des jeunes, mais aussi les enfants, ont toutefois une grande capacité de résilience. Le soutien social et les interactions sociales sont des facteurs importants pour l’exploiter, surtout chez les jeunes. Les jeunes qui entretiennent des interactions personnelles de qualité avec la famille et les personnes de leur âge semblent être mentalement plus résistants. Il faut donc attendre pour voir quels seront les effets à long terme de la privation sociale persistante engendrée par la pandémie actuelle. C’est surtout pour les groupes vulnérables, comme les jeunes qui souffrent déjà de problèmes mentaux, dont la situation économique ou familiale est difficile, qui ont des problèmes d’apprentissage ou de faibles capacités socio-émotionnelles, que des solutions et des conditions créatives pouvant les soutenir doivent être développées.

Il est important de reconnaître que la situation est difficile pour les jeunes et qu’ils fournissent des efforts considérables, non pas pour eux-mêmes, mais pour la société. Ils méritent un feed-back positif sur les fruits de leurs efforts. Outre le vaccin (dans la catégorie d’âge autorisée), des tests PCR gratuits en suffisance devraient être proposés aux jeunes, afin qu’ils puissent à nouveau participer à la vie sociale en toute sécurité.

Le moment pour l’action

Cette crise a mis en avant la crise préexistante touchant les soins de santé mentale. Celle-ci doit être davantage prioritaire. On a besoin d’investissements structurels et d’un renforcement stratégique des différentes formes d’accompagnement. Un système de suivi mieux développé, comme un baromètre de santé mentale national, est essentiel, surtout pour les groupes vulnérables comme les enfants et les jeunes. Il est très important à ce niveau de mieux suivre les suicides, afin que ces données puissent être reprises dans la politique de santé publique. Ce n’est que de cette manière que nous pourrons évaluer la situation avec précision et développer des stratégies plus efficaces pour un diagnostic et une intervention précoces.

Au niveau de l’assistance psychologique, il est important de pouvoir agir de manière proactive. Tous les adultes doivent être attentifs à l’état psychosocial des jeunes. Des projets d’assistance accessibles, comme les maisons de quartier, les forums en ligne, les lignes d’assistance et les outils d’attribution qui facilitent l’orientation localement peuvent en représenter des maillons importants. Outre ces mesures de précaution, des mesures doivent aussi être prises pour les personnes qui ont besoin d’aide dès maintenant. Bien qu’il n’existe pas de chiffres exacts sur les listes d’attente en Belgique, les signaux du terrain sont clairs : il n’est actuellement pas possible de fournir à tous les jeunes les soins dont ils ont besoin. Étant donné que les effets sur la santé mentale ont en outre besoin de temps pour se manifester, on s’attend à ce que cette demande de soins ne fasse que s’intensifier prochainement. Il est donc temps d’investir davantage dans les soins de santé mentale et dans le développement de nouvelles interventions (numériques).

La pandémie peut aussi être un moment d’apprentissage pour les écoles, une opportunité d’accorder plus d’attention à l’enseignement de compétences socio-émotionnelles et pour apprendre aux jeunes à prendre soin d’eux-mêmes et des autres. Le bien-être mental est idéalement intégré dans tout le parcours d’apprentissage.

Enfin, les jeunes méritent de faire entendre leur voix dans ce discours et doivent être impliqués dans les groupes décisionnels concernant, par exemple, un retour sur le campus en toute sécurité ou la reprise des événements sportifs, culturels et de jeunesse.

 

Source: Conseil Supérieur de la Santé

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