Le self-management et les organisations autogérées sont des thèmes d’actualité dans nos organisations modernes. Et pour cause : les collaborateurs veulent plus d’autonomie, de flexibilité et bien-sûr avoir leur mot à dire dans le processus d’élaboration de la stratégie. Les dirigeants savent que les processus d’« open strategy » ou stratégie collective peuvent être la clé pour une plus grande créativité, plus d’innovation, plus de rapidité d’exécution et, finalement, plus de performance.
Néanmoins, peu de dirigeants décident de sauter le pas et de passer à des formes d’organisations ouvertes ou autogérées. Et… on ne peut pas leur en vouloir! L’implication des collaborateurs au processus stratégique de l’entreprise comporte son lot de défis.
Du point de vue des employés, certains ne veulent tout simplement pas s’autogérer ou, au contraire, certains peuvent être trop impliqués dans beaucoup trop de projets, ce qui entraîne des épuisements professionnels.
Du point de vue des dirigeants, la mise en place de l’autogestion reste floue : qui faut-il impliquer dans le processus ? Devons-nous partager toutes les informations dans ces nouvelles formes d’organisation ? Comment pouvons-nous inclure la voix de tant d’employés… et vraiment les écouter? Seront-ils frustrés si nous n’écoutons pas leurs idées ? Beaucoup de questions, peu de réponses. Résultat : les dirigeants et les managers restent perplexes sur la manière de mettre en place l’autogestion de manière efficace… et optent pour le statu quo.
La littérature managériale parle de deux thèmes principaux pour permettre l’autogestion et la stratégie ouverte: la culture et les formes organisationnelles (ex. Guetz, Robetson, Laloux). Pourtant, selon les recherches menées par l’auteure, ces deux thèmes ne sont pas suffisants. Aucun article – à notre connaissance – n’aborde directement les étapes pratiques et concrètes à mettre en place pour s’engager durablement dans une démarche de stratégie ouverte, qui passe naturellement par l’autogestion.
Ainsi, il est important de clarifier de comment les dirigeants permettent à leurs employés d’acquérir des compétences d’autogestion – pour avoir une stratégie ouverte efficace.
A cet effet, voici 7 étapes à considérer :
1. Osez l’injonction paradoxale : Devenez autogérés !
Il n’y a rien de plus paradoxal que d’ordonner à ses collaborateurs : libérez-vous! Pourtant, c’est bel et bien la première étape. Il faut marquer l’intention. Il faut donner du sens. L’incarner. Il faut assurer à ses collaborateurs que le mouvement est durable, et ne s’arrêtera pas au bout de quelques mois. Il faut aussi être clair que l’autogestion vise tout le monde, et articuler comment cela se conçoit selon les différents corps de métiers.
2. Concevez un processus clair : une stratégie ouverte demande de la rigueur
Il faut mettre en place un plan. L’ouverture ne veut pas dire tout le monde fait ce qu’il veut ! Bien au contraire. Il faut cadrer les priorités stratégiques, définir un horizon de temps, et demander aux collaborateurs de s’autogérer et de se libérer dans un périmètre stratégique défini.
3. Créez des espaces informels : aidez vos employés à exprimer leurs préoccupations
La stratégie ouverte, c’est aussi de laisser les collaborateurs trouver les solutions à leurs problèmes, sans avoir recours à l’autorité pour trancher. Ainsi, il faut créer des espaces informels dédiés pour que les membres de différents départements se rencontrent, se parlent, et se coordonnent dans la bienveillance pour mieux travailler ensemble. C’est le concept de la machine à café, mais organisé, avec la présence du top management. Management 101, vous me direz? Oui, mais finalement, une stratégie réussie est une stratégie bien exécutée.
4. Faites des textes stratégiques la première source d’autorité
Quand l’autorité ne réside plus dans les personnes… qu’est-ce qui fait acte d’autorité? Car rappelons-le, l’autorité n’est pas mauvaise en soi : elle donne la direction à suivre. Alors ce qui reste, ce sont les textes stratégiques : les plans 5 ans, 3 ans, 1 an… les énoncés stratégiques, etc. Ceux-ci doivent être clairs, visibles, et vus, revus, et re-revus! Le partage de l’information stratégique et la transparence sont essentiels pour le succès de l’autogestion.
5. Laissez la stratégie s’ouvrir
C’est là, le grand saut de la foi. Il faut que la stratégie se fasse, et laisser les collaborateurs faire. Il faut qu’ils testent, et qu’ils se trompent aussi. Pour le leader, cela demande de revoir complètement son rôle, et la valeur qu’il apporte.
6. Mettez la main à la pâte… et orientez
Alors comment apporte-t-il de la valeur? En étant au plus près de gens. En les écoutant. En détectant les signaux faibles, pour orienter l’action stratégique. C’est aider les collaborateurs à choisir, sans décider pour eux, entre une pluralité de projets qui émergent : ou mettre les énergies?
7. Acceptez que l’ouverture nécessite la fermeture
L’ouverture absolue n’est, selon l’auteure, pas souhaitable ni même faisable. Il faut à un moment donner choisir de se recentrer. La stratégie ouverte est optimale en période de renouveau stratégique, mais s’il faut maintenant exécuter, et bien, il faut l’accepter. L’autogestion ne disparait pas: mais elle est canalisée sur l’exécution plutôt que sur la création stratégique. On ne restreint pas les voix : on les guide!
Article rédigé par Catherine Archambault-Janvier (PhD), professeure adjointe en Stratégie à l’IÉSEG School of Management