Tous les six mois, la Fédération des entreprises de Belgique mène une enquête auprès de ses fédérations sectorielles membres pour mesurer la température économique. Sur cette base, elle évalue la situation belge et les perspectives pour les six prochains mois. Pour le moment, le plus grand problème des entreprises est de loin le dérapage des coûts. La FEB rappelle que l’inflation en Belgique a atteint un niveau de plus de 9%, ce qui, par le biais de l’indexation automatique des salaires, entraînera une hausse des coûts salariaux d’environ 11% en 2022-2023, soit 5 points de pour cent de plus que dans les pays voisins.
Les résultats de l’enquête précédente anticipaient déjà que le premier semestre de 2022 ne serait pas d’aussi bonne facture que 2021. Les entreprises voyaient déjà venir des nuages à l’horizon et étaient sceptiques quant à une résolution rapide de leurs difficultés du côté de l’offre. Après l’invasion de l’Ukraine par la Russie fin février, leurs craintes se sont forcément confirmées et les problèmes du côté de l’offre (pénurie, hausses de prix) sont devenus encore beaucoup plus répandus et plus intenses.
Le conflit a en effet jeté de l’huile sur le feu en ce qui concerne les prix des matières premières et de l’énergie, entraînant un dérapage des coûts d’exploitation et une hausse extrêmement forte de l’inflation (l’OCDE prévoit pour la Belgique une inflation de 9% en 2022 et de 4,8% en 2023). En raison de notre système d’indexation automatique des salaires, cela a évidemment un impact important sur l’évolution des coûts salariaux. Les précédentes négociations salariales tablaient sur une indexation de 2,85% pour la période 2021-2022. Mais selon les dernières projections de l’indice de santé du Bureau fédéral du Plan (juin 2022), elle sera plutôt de 7,6% et de 5,1% l’année suivante.
Ainsi, en plus de la hausse des coûts de l’énergie, des matières premières et des transports, les entreprises doivent également faire face à une augmentation de leurs coûts salariaux beaucoup plus importante que leurs principaux concurrents dans les pays voisins. Tous ces éléments entraînent une hausse des coûts d’exploitation jamais vue de 20 à 30% en moyenne par rapport à l’année dernière.
Si les entreprises répercutent ces hausses de coûts sur leurs prix de vente intérieurs, la spirale prix-salaires s’en trouvera encore renforcée. Cette spirale prix-salaires se fait déjà clairement sentir, avec une inflation sous-jacente dépassant les 5%.
Si elles répercutent plutôt l’augmentation des coûts sur leurs clients étrangers, cela pèsera sur leurs parts de marché et donc sur la croissance des exportations.
Si elles ne les répercutent pas ou ne peuvent pas le faire, c’est leur rentabilité qui en pâtira, ce qui réduira leur marge de manœuvre pour des investissements.
Par conséquent, les investissements des entreprises et les exportations nettes évolueront défavorablement au cours des 6 à 18 prochains mois, ce qui ralentira la croissance économique jusqu’à 0,5% supplémentaire en 2023.
Par ailleurs, si la spirale prix-salaires persiste et que l’inflation grimpe à 10-15%, une récession sera quasi inévitable en 2023.
Pour pouvoir encore éviter ce scénario défavorable, les mesures suivantes s’imposent d’urgence selon la fédération patronale :
- Premièrement, il faut entamer d’urgence une concertation tripartite pour examiner comment aborder la crise de compétitivité et parvenir à une répartition équitable, entre les entreprises, les consommateurs et le gouvernement, de la perte de prospérité occasionnée par la guerre. L’on pourrait, par exemple, envisager de limiter temporairement l’impact de l’indexation automatique des salaires jusqu’à ce que l’on sache quelles seront les augmentations de salaires dans les pays voisins. Les mesures prises au Luxembourg (le seul autre pays d’Europe continentale à disposer d’un système d’indexation automatique des salaires) sont à recommander. Les employeurs, les travailleurs et le gouvernement y ont conclu un accord tripartite en vertu duquel la tranche d’indexation de 2,5% sera reportée à l’année prochaine ou à l’année suivante. Dans le même temps, afin de soutenir le pouvoir d’achat des revenus les plus faibles, une réduction de l’impôt sur le revenu des personnes physiques est mise en œuvre pour les quatre tranches de revenus les plus basses.
- D’autres mesures pourraient être éventuellement envisagées : indexer les salaires uniquement en pour cent jusqu’à un certain niveau de rémunération (par ex. 2% jusqu’à un salaire de 3.500 EUR brut) et appliquer une indexation forfaitaire au-dessus de ce niveau (de 70 EUR par ex.). En outre, on peut également réfléchir, dans le cadre de la concertation sociale sectorielle, à une meilleure valorisation de l’indexation, en utilisant par exemple les augmentations prévues des salaires bruts pour harmoniser le deuxième pilier de pension entre les ouvriers et les employés.
- En tout état de cause, pour la prochaine période AIP 2023-2024, la loi sur la norme salariale devra être appliquée correctement pour amorcer un redressement progressif de notre compétitivité.
- Afin de rendre les coûts énergétiques plus maîtrisables pour les entreprises, les accises spéciales sur l’électricité pour les entreprises devraient pouvoir être supprimées (au moins temporairement). Et pour les entreprises de plus grande taille et plus intensives en énergie, il faudrait idéalement réduire les coûts de transport d’Elia de 90%, le maximum autorisé par l’Europe et déjà appliqué en Allemagne, aux Pays-Bas et en France.
- Dans le même temps, il importe de prendre les mesures nécessaires pour rendre notre marché du travail plus dynamique et augmenter l’offre de main-d’œuvre. Dans le contexte actuel de pénurie de main-d’œuvre, d’augmentation des salaires et de pression inflationniste, il n’est plus tenable qu’un pays affichant l’un des taux d’emploi les plus bas d’Europe ait également le taux le plus élevé de postes vacants. À cet effet, une politique d’activation plus stricte de la part des services de placement régionaux est plus qu’urgente.
Source: FEB