Dès leur arrivée sur le marché du travail, les représentants de la génération Y ont été dépeints comme de vils mercenaires, susceptibles de changer d’employeur à la première occasion, pour quelques euros de plus en fait… Les études récentes menées aux Etats-Unis (fondées sur les données fournies par le US Bureau of Labor Statistics) tendent à contrecarrer cette analyse et à démontrer que les Millennials s’avèrent moins ‘volatiles’ que leurs prédécesseurs assimilés à la génération X.
Le décalage existant entre la perception et la réalité repose sur les stéréotypes que nous avons enregistré quant aux caractéristiques des Millennials (nés entre les années 1980 et 2000). Cette réputation suppose que ces derniers manquent définitivement de loyauté vis-à-vis de leurs employeurs. Les recherches récentes menées aux Etats-Unis contredisent ces idées reçues. Les motivations de cette génération sont ancrées dans le contexte socio-économique qu’elle a connu au cours de son enfance et de son entrée dans le monde adulte. Et si nos entreprises et nos dirigeants parviennent à décoder les facteurs de leurs motivations, il se pourrait que la génération Y soit parmi les plus fidèles que nous ayons connues.
Les chercheurs ont analysé les parcours professionnels de 25.000 Millennials à travers 22 pays différents. Résultat de cette étude : 40% d’entre eux envisagent de rester au sein de l’organisation qui les emploie pour une période de 9 ans minimum (contre les 3 ans maximum qui sont évoqués la plupart du temps). Mieux encore, 44% d’entre eux annoncent être prêts à consacrer l’ensemble de leur carrière à leur employeur actuel. Nous sommes bien loin donc de la réputation d’opportunistes qui colle à la peau des jeunes travailleurs.
Quelles sont donc les deux motivations primaires des Millennials dès lors qu’il s’agit de leur gestion de carrière? La sécurité financière en premier lieu et, ensuite, la possibilité d’améliorer l’articulation entre vie privée et professionnelle grâce à l’ancienneté acquise au sein de l’organisation.
Bon nombre de jeunes travailleurs sont entrés sur le marché du travail lors du déclenchement de la crise économique survenue fin 2007. Leurs proches ont perdu leur emploi et/ou une bonne partie de leur épargne. En outre, ils ont démarré leur carrière après s’être endettés en vue de financer leurs études. 84% d’entre eux s’interrogent à raison quant au financement de leur retraite et 56% éprouvent un réel degré de stress quant au remboursement des emprunts qu’ils ont contractés. Objectif prioritaire donc: garantir une certaine stabilité afin d’assurer l’avenir à long terme.
Comment le management peut-il répondre à cette préoccupation majeure? En offrant des niveaux de rémunération supérieurs à ceux qui sont généralement consentis pour de nouveaux venus sur le marché de l’emploi, et en intégrant l’idée de procéder à des augmentations de salaires plus ‘généreuses’ lorsque les performances et les compétences le justifient… Nos entreprises peuvent également jouer un rôle-clé dans l’anticipation des conditions de retraite en favorisant l’épargne complémentaire via la composition des enveloppes salariales.
S’offrir une certaine flexibilité
L’équilibre vie privée/vie professionnelle est un élément fondamental pour les Millennials. Les schémas familiaux dont ils sont issus en sont la cause. Leurs deux parents travaillent… ou bien, ils appartiennent à une cellule monoparentale. Et il est simplement hors de question de reproduire certaines situations de déséquilibre qu’ils ont pu observer en tant qu’enfants. Comment procéder? S’installer dans une organisation durablement et acquérir un bon niveau de réputation de telle sorte que leurs attentes en matière de flexibilité soient plus facilement acceptées par l’entreprise au fil des différentes étapes de leur vie familiale. Les Millennials conçoivent que leurs demandes d’aménagement entre vie privée et vie professionnelle seront aisément rencontrées s’ils ont démontré leurs aptitudes et leur engagement. A contrario, il sera difficile d’obtenir des privilèges dans une entreprise que l’on vient de rejoindre…
L’enjeu pour nos organisations consiste alors à créer un environnement qui intègre naturellement cette dimension de flexibilité attendue, afin d’éviter que les Millennials ne se sentent pris au piège. Il s’agit en effet de prendre en compte la dimension individuelle et les aspects privés qui leur importent. Le choix de rester dans l’organisation doit être un choix librement consenti et non une décision basée sur la peur… La capacité de choisir son lieu et ses horaires de travail sont bien entendu des éléments-clés.
Les solutions de flexibilité doivent également concerner toutes les couches de population (pas seulement les jeunes parents donc!). Certains collaborateurs souhaitent s’engager sociétalement. D’autres connaissent parfois des situations familiales complexes. Ces besoins doivent eux aussi pouvoir être rencontrés. Un vrai challenge!
Etude menée par by Jennifer J. Deal and Alec Levenson, chercheurs au Center for Effective Organizations auprès de l’Université de Southern California, et auteurs de l’ouvrage (à paraître en 2016) intitulé : ‘What Millennials Want from Work: How to Maximize Engagement in Today’s Workforce’ (McGraw-Hill, 2016).