La majorité des organisations n’ont pas de plan d’action risques psychosociaux. Le constat est étonnant, voire effrayant compte tenu de l’importance des problèmes mentaux comme le burn-out, la dépression ou les troubles anxieux dans le monde du travail aujourd’hui. La taille de l’entreprise joue un rôle dans la statistique d’ensemble mais d’autres éléments expliquent une relative incapacité à prendre le sujet à bras le corps.
Une étude récente menée par Mensura auprès de 508 chefs d’entreprise et responsables RH montre que la plupart des entreprises belges reconnaissent le problème, mais qu’une sur trois seulement dispose d’un plan de prévention des risques psychosociaux. Une minorité offre des formations spécifiques pour les supérieurs hiérarchiques.
Les difficultés psychosociales des travailleurs impactent les entreprises. Parmi les organisations qui connaissent les causes de l’absentéisme, sept sur dix désignent les problèmes mentaux comme une cause d’absentéisme. C’est particulièrement le cas pour les entreprises de plus de 20 travailleurs (81%) et presque toujours le cas pour celles qui emploient plus de 100 salariés (98%).
Interrogés sur la nature des problèmes psychosociaux, les employeurs désignent le burn-out et le stress comme les principales causes d’absentéisme (80 %). Viennent ensuite les problèmes d’ordre privé, comme le divorce ou le deuil (70 %) et la dépression (59 %). Un petit 25 % cite également les conflits, le harcèlement ou les addictions.
« Seule une organisation sur trois a actuellement un plan de prévention en matière de problèmes mentaux. Parmi les PME, un peu plus de 80 % disposent d’un plan de ce type. On peut donc parler d’une lacune dans l’approche qu’ont les entreprises de l’absentéisme », explique Koen Van Hulst, responsable aspects psychosociaux chez Mensura.
Ce sont les grandes entreprises qui se dotent le plus souvent d’un plan de prévention psychosociale. A partir de 100 travailleurs, plus de la moitié en ont un (53 %). Dès que les organisations occupent plus de 500 salariés, ce chiffre passe à 78 %.
« Ces chiffres sont relativement bas, alors que six répondants sur dix déclarent être informés de l’obligation légale d’avoir un plan en matière de santé psychosociale. Quatre entreprises sur dix estiment ne pas être à même de mettre elles-mêmes en place une politique de prévention psychosociale. »
Détecter les signes annonciateurs.
Les organisations doivent non seulement reconnaître le problème, mais également repérer à temps les signes d’affections latentes. « Les collaborateurs RH et surtout les supérieurs hiérarchiques sont les personnages clés. Ils sont les yeux et les oreilles de l’organisation », explique Koen Van Hulst. « Cependant, ils ne sont généralement pas formés à reconnaître les signes révélateurs de problèmes mentaux, à mener des entretiens confidentiels sur ce thème ni à envoyer les collaborateurs concernés vers une aide professionnelle. Pourtant, notre enquête a montré que 65 % des entreprises estiment que ce sont là des aptitudes dont devraient disposer les supérieurs hiérarchiques. »
Premiers secours en santé médicale
Il existe différentes raisons pour lesquelles les organisations ne s’attaquent pas de manière énergique aux problèmes mentaux. Koen Van Hulst : « Les problèmes mentaux font encore l’objet d’un tabou. Les collaborateurs concernés n’en parlent pas, parce qu’ils craignent d’être mal vus ou de voir leur carrière en souffrir. Quant aux supérieurs hiérarchiques, beaucoup d’entre eux estiment qu’il ne leur appartient pas de prendre des initiatives en la matière. Ils ne veulent pas s’ingérer, sans y avoir été invités, dans ce qu’ils considèrent comme privé. »
Pour aider les organisations à s’attaquer en temps voulu et de manière adéquate aux problèmes de santé mentale chez les travailleurs, des pays comme l’Australie et le Canada ont déjà adopté avec succès une approche en matière de premier secours pour les affections psychosociales courantes. « Nous entendons faire de même en Belgique et proposer une formation spécifique Premiers Secours en Santé Mentale. Celle-ci cible notamment l’élaboration de procédures, c’est-à-dire de scénarios dans lesquels sont prévus des rôles et des responsabilités à prendre en compte lors de situations spécifiques, comme un collègue qui a une crise d’anxiété ou qui est le témoin oculaire d’un accident de travail grave. »