Comment retrouver une marge salariale? Remplacer les indexations automatiques sur base de l’ancienneté par une prime de loyauté.

A l’occasion de cette journée de grève nationale du 13 février, les syndicats protestent surtout contre la ‘maigre marge salariale’. D’après le rapport technique du Conseil Central de l’Economie (CCE), seul 0,8% est disponible pour les augmentations salariales en 2019 et en 2020. En même temps, nous ne parvenons pas à pourvoir nos postes vacants et les entreprises du monde entier sont confrontées avec une forte pression sur les salaires pour les ‘talents rares’. D’après les syndicats, la marge salariale très limitée est la conséquence de la réforme de la loi sur les salaires du gouvernement actuel. Mais les spécialistes en rémunération chez Korn Ferry, ne sont pas de cet avis. Ils affirment que le grand coupable de cette marge très ténue, ce sont les automatismes salariaux belges. Une rupture avec cette pratique est à la fois urgente et inévitable.

Tout d’abord, le caractère prétendument « limité » de la marge salariale de 0,8 % doit être quelque peu nuancé. Il s’agit en effet ici de la marge salariale qui vient en plus des augmentations de salaire liées à l’index. Et en janvier, celle-ci s’élève à 2,16% pour bon nombre de gens, avec des pourcentages variables en fonction de la commission paritaire. Korn Ferry sonde régulièrement des clients au sujet des attentes salariales à l’échelle internationale. L’enquête de janvier de cette année apporte 2 enseignements : presque toutes les entreprises ont des difficultés à pourvoir des emplois vacants (souvent techniques) et les hausses salariales attendues en sus de l’index s’élèvent à 1,3 % pour 2019. Donc sensiblement plus que les 0,8 % prévu par le CCE pour la période 2019-2020.

Les entreprises belges s’attendent donc à un impact sur les salaires résultant de la pénurie croissante sur le marché du travail. Pourtant, le contexte de la concurrence les contraint à garder la maîtrise de la masse salariale.

Deuxièmement, le terme ‘limitatif’ couvre mieux la réalité des choses en matière de marge salariale. En effet, le facteur le plus gênant dans ces mesures, ce sont les automatismes salariaux belges. Walter Janssens, spécialiste des rémunérations chez Korn Ferry, précise que cela ne concerne pas seulement l’indexation des salaires, mais également l’augmentation automatique sur la base de l’ancienneté. La réduction des barèmes d’ancienneté, pourtant inscrite dans la déclaration gouvernementale, est restée lettre morte. Les experts de Korn Ferry s’insurgent depuis plusieurs années contre ce principe obsolète. « Surtout parce que de ce fait, la tension salariale entre travailleurs âgés et jeunes est intolérablement élevée comparé aux pays voisins, » précise Sonja Brouwers. Si nous prenons l’Allemagne, la France et les Pays-Bas (les mêmes pays que ceux retenus par le CCE pour l’établissement de son rapport technique) comme base de comparaison, l’écart salarial entre travailleurs âgés et jeunes travailleurs pour une même fonction est le plus élevé en Belgique.

Walter Janssens illustre le phénomène au moyen d’un exemple basé sur les enquêtes salariales que Korn Ferry réalise dans nos pays voisins. « Prenez le cas d’un aide-comptable de 25 ans qui gagne 2.500 € par mois. En Belgique, son collègue aide-comptable (qui partage un bureau avec lui dans la même entreprise) de 55 ans avec 30 ans d’ancienneté gagnera 3.500 €. C’est une différence de 40 %. Aux Pays-Bas, cet écart ne sera « que » de 30 %, en France de 28 % et en Allemagne de 18 %. Autrement dit, nous sommes les « champions » de ces automatismes d’ancienneté. C’est ni plus ni moins qu’une erreur système. »

Plutôt la loyauté que l’ancienneté

« Il n’y a bien entendu aucun mal à récompenser la loyauté, ajoute Walter Janssens, qui préfère le terme de loyauté à celui d’ancienneté. Mais ne le faites pas en augmentant chaque année le salaire automatiquement et donc pour chacun. » Une prime de loyauté est bien plus adéquate. Et si les pouvoirs publics soutenaient cette prime avec un avantage fiscal, nous aurions une clé pour supprimer ces indemnités d’ancienneté, ou du moins pour les écrêter après, mettons, 5 ans. Qui plus est, cette prime de loyauté ne doit pas nécessairement être payée en numéraire. Il existe d’autres manières plus créatives, par exemple verser la prime de loyauté sous forme de contribution complémentaire dans l’assurance pension (un investissement bénéfique à long terme), plus de flexibilité et d’autonomie en termes d’horaires et de lieu de travail, investir dans la formation (dans notre société de l’« apprentissage à vie », les compétences doivent en effet être continuellement rafraîchies/remises au goût du jour)…

« En fin de compte, l’idée, c’est de créer dans la marge salariale une latitude qui permettrait aux entreprises de mener leur propre politique de rémunération. Et, oui, cela impliquera que les « profils techniques rares » vont recevoir plus d’augmentations que d’autres, » dit Walter Janssens. Pour autant, l’enquête de Korn Ferry montre également que les entreprises misent de plus en plus sur la formation et non plus seulement sur de simples augmentations pécunières. « C’est indubitablement la bonne approche, confirme Sonja Brouwers. Mais ne soyons pas trop naïfs. Un package salarial adapté (comprenez plus élevé), fera certainement partie lui aussi de la politique, fût-ce de manière sélective pour certains groupes cibles et de manière non récurrente, et surtout pas automatique. »

Les experts de Korn Ferry ne peuvent pas non plus s’empêcher de fustiger le fatalisme belge concernant le taux de participation lamentablement bas des plus de 55 ans au marché du travail. D’innombrables études ont déjà montré que la structure salariale belge faite d’automatismes exclut trop rapidement les collaborateurs « plus âgés » du circuit du travail. « Avec notre proposition de remplacer les augmentations de salaire liées à l’ancienneté par une prime de loyauté, nous ne voulons pas seulement dégager de la marge pour une politique salariale propre à l’entreprise, mais aussi éviter que les collaborateurs plus âgés soient structurellement perçus comme trop coûteux. En ces temps de pénurie sur le marché du travail, chaque membre du pool des talents doit être mis à profit et mérite d’avoir accès à de nouvelles opportunités, » concluent Sonja Brouwers et Walter Janssens.

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