À l’aube de la première phase importante du déconfinement, la perte moyenne de chiffre d’affaires rapportée par les entreprises belges s’est à peine légèrement améliorée selon l’enquête de l’ERMG menée la semaine dernière. Les entreprises sondées continuent en grande partie de faire état d’une demande languissante qui pèse sur le redressement. Elles indiquent qu’elles envisagent de licencier un chômeur temporaire sur cinq environ. Cela signifie que jusqu’à 180 000 travailleurs sont susceptibles de perdre leur emploi.
Pour la sixième semaine consécutive, une enquête a été réalisée par plusieurs fédérations d’entreprises et d’indépendants. Cette initiative coordonnée par la BNB et par la FEB a pour objectif d’évaluer, de semaine en semaine, l’incidence de la crise du coronavirus sur l’activité économique en Belgique ainsi que sur la santé financière et sur les décisions des entreprises belges. Au total, 2 675 entreprises et indépendants ont répondu à la sixième enquête. Cette fois-ci, le sondage a été lancé le mardi afin de mieux refléter l’effet des mesures de déconfinement mises en place à partir du lundi 4 mai.
Bien que l’industrie et les services liés aux entreprises puissent en principe être à nouveau pleinement opérationnels depuis le 4 mai, la perte moyenne de chiffre d’affaires rapportée par les entreprises belges n’a jusqu’ici affiché qu’une légère amélioration. Lorsqu’on prend en compte la taille de l’entreprise et le poids des branches d’activité dans la valeur ajoutée, les entreprises interrogées font état d’une baisse du chiffre d’affaires de 29 % par rapport à la situation précédant la crise. Il s’agit une fois de plus d’une légère amélioration par rapport à la semaine précédente, même si la reprise peine clairement à se mettre en place.
La faiblesse de l’amélioration s’explique notamment par une évolution contrastée au niveau sectoriel. En particulier, une sensible amélioration est observée dans certaines branches d’activité, comme le commerce (en particulier le commerce de détail non alimentaire et le commerce de gros) et le secteur de la construction. Les mesures de déconfinement qui ont été mises en place ces deux dernières semaines ont permis à certains commerces de rouvrir. En revanche, certaines branches des services, comme l’immobilier ainsi que le secteur de l’information et de la communication, ont fait état d’une nette dégradation du chiffre d’affaires. Même la contraction du chiffre d’affaires dans l’industrie agricole semble un peu plus importante cette semaine, mais cette comparaison est compliquée par le fait que Boerenbond ait participé à l’enquête visée ici, mais pas à celle de la semaine précédente, ce qui rend les chiffres actuels plus fiables
Il est sans doute encore trop tôt pour que les effets de l’assouplissement entamé le 4 mai se ressentent pleinement dans les résultats de l’enquête si bien que l’on s’attend à ce que les pertes rapportées en matière de chiffre d’affaires continuent de se résorber dans les prochaines semaines. Il convient toutefois de souligner qu’en dépit du redressement par phase de l’économie, il faudra peut-être un laps de temps considérable afin de voir l’économie se redresser totalement : 60 % des entreprises sondées pointent en effet la demande insuffisante comme étant le principal obstacle à cette reprise.
Concernant les problèmes de liquidité, la proportion des entreprises interrogées indiquant ne pas pouvoir maintenir leur position de liquidité au-delà de trois mois baisse légèrement : 29 % (contre 35 % la semaine passée). Le risque de faillite diminue aussi tout en restant relativement élevé et concentré dans certains secteurs. En effet, 7 % des entreprises évoquent une faillite probable ou très probable, mais la proportion atteint 28 et 19 % respectivement dans le secteur des « arts, spectacles et services récréatifs » et dans l’horeca.
Un chômeur temporaire sur cinq est susceptible de perdre son emploi durant l’été.
Au cours de la phase de crise actuelle, le système du chômage temporaire s’est révélé être un stabilisateur important : les chômeurs temporaires perçoivent certes une indemnité de l’État, mais ils restent occupés par leur entreprise. Ce système revêt toutefois, par définition, une nature temporaire. C’est pourquoi l’enquête sonde également les intentions des entreprises s’il venait à prendre fin. Cette interruption est actuellement prévue pour la fin du mois de juin.
Il ressort des réponses des entreprises interrogées que la grande majorité des chômeurs temporaires reprendraient le travail auprès de leur employeur actuel, même si cette reprise s’effectuerait dans une certaine mesure via le télétravail. En raison de la persistance de la crise et des perspectives peu optimistes en matière de demande, un chômeur temporaire sur cinq environ pourrait néanmoins être licencié. Si l’on se base sur l’estimation du nombre de chômeurs temporaires que l’ONEM avait effectuée en mars, soit environ 900 000 cas, cela signifie que quelque 180 000 travailleurs risquent de perdre leur emploi à relativement court terme. Il s’agit de près de 6 % du nombre total de travailleurs dans le secteur privé. Des différences d’une branche d’activité à l’autre sont toutefois enregistrées et pour certaines relativement marquées. S’agissant des branches d’activité les plus sévèrement touchées, un nombre nettement plus grand de pertes d’emploi est à craindre : pour l’horeca, il s’agirait de 17 % du nombre de travailleurs (près d’un quart du nombre de chômeurs temporaires) et pour le secteur des « arts, spectacles et activités récréatives », cette proportion grimperait même à 40 % (près de la moitié des chômeurs temporaires).
Il convient cependant de noter à cet égard que ces chiffres se rapportent exclusivement aux salariés. L’incidence négative totale sur l’emploi – et donc sur la demande – dans les prochains mois est par conséquent sous-estimée, étant donné que les chiffres ne tiennent pas compte des indépendants, qui ont eux aussi rapporté cette semaine la perte de chiffre d’affaires la plus lourde depuis le début de l’enquête et dont un certain nombre risquent d’être contraints de cesser leurs activités. Sachant que 9 % des indépendants évoquent un risque de faillite probable ou très probable, l’effet peut s’avérer important à ce niveau : pour information, on dénombrait 825 000 travailleurs indépendants en Belgique à la fin de 2019.
Bien que les stabilisateurs automatiques et les mesures déjà prises à ce stade aient permis de compenser en grande partie la première vague de choc, la crise du coronavirus pourrait, sous l’effet de faillites d’entreprises saines ou d’une persistance de l’accroissement du chômage, occasionner des dommages structurels au tissu économique. La mesure dans laquelle il sera possible d’éviter cette situation constituera un facteur déterminant de la puissance de la reprise au moment de la levée des mesures de protection actuelles.
Sources : BECI, Boerenbond, FEB, SNI, UNIZO, UWE, VOKA, BNB.