Dans une carte blanche intitulée ‘Le digital, itinéraire d’un remède annoncé’, Bernard Keppenne, Chief Economist de CBC Banque, valide la réponse digitale que nous sommes parvenus à mettre en oeuvre rapidement face à la pandémie. Il souligne également les dangers et effets secondaires des nouveaux comportements et modes de travail qui s’installent. Extraits.
« Tout le monde a désormais pleinement pris conscience que nous allons devoir apprendre à vivre encore longtemps avec le Covid-19. Et nous allons devoir vivre dans un premier temps avec un tas d’injonctions paradoxales, comme celle de respecter les distances sociales mais d’aller travailler, de laisser nos enfants aller à l’école mais de leur demander de faire preuve de la plus grande prudence avec leurs compagnons de banc… Mais la question qu’il faut probablement se poser à plus long terme, voire pour toujours, c’est de se demander quelle sera la norme demain ? Quels profonds changements le Covid-19 et son potentiel rythme saisonnier vont engendrer dans nos vies ? Quel remède va nous permettre de vivre du mieux possible cette nouvelle forme de vie où la distanciation sociale sera reine ? »
La réponse par le digital
« S’il y en a un qui fait largement son petit bonhomme de chemin depuis deux décennies, avec une accélération foudroyante ces dernières années, c’est le digital. Serait-il dès lors le remède le plus efficace pour aujourd’hui et pour demain? Tout porte à le croire.
La généralisation du télétravail est le premier changement le plus radical que cette crise a provoqué et qui a levé bon nombre de craintes. Le homeworking, qui n’était encore que marginal, a démontré qu’il est la meilleure façon de répondre aux règles de distanciation sociale. Certes, il ne peut pas s’appliquer à toutes les activités, mais il est aujourd’hui inenvisageable de revenir à la situation d’avant la crise. Nous allons assister à une généralisation du télétravail dans toutes les sphères de l’économie. Ce changement ne sera pas sans conséquences pour l’immobilier bureau qui va subir une diminution importante de la demande d’espace, avec des changements également au niveau de la configuration des lieux.
Le commerce en ligne, deuxième façon de respecter la distanciation sociale, connait également une explosion durant la crise. Le phénomène s’était déjà développé même bien avant la crise, mais il est devenu maintenant une évidence et restera généralisé (soit par livraison soit par drive de façon large). Il touchera bien sûr les grandes surfaces mais également tous les sites pour les produits alimentaires, même en circuit court.
L’enseignement supérieur n’est pas en reste. C’était dans l’air, mais les cours à l’université ne seront plus donnés comme avant. Le suivi des cours, des professeurs référents de l’université ou émanant d’autres universités, ne seront plus accessibles que par Internet. Fini les auditoires bourrés. Ce système pourrait même être envisagé pour les deux dernières années du secondaire avec un système d’alternance de cours en classe et de suivi par petits groupes et de cours par Internet.
Enfin, le secteur bancaire est parmi les secteurs les plus digitalisés aujourd’hui. Sa digitalisation avait déjà bien avancé. Elle a pris encore plus de sens avec cette crise et devrait s’accélérer. »
Des effets secondaires
« Cette généralisation du télétravail permanent à grande échelle, comme l’ensemble des évolutions digitales que nous venons d’aborder, permettront par ailleurs de répondre à deux autres grands défis que ne nous devons absolument pas négliger, à savoir celui de la mobilité et du climat.
Enfin, cela permettra aussi de gagner en flexibilité en termes d’horaire et donc de confort de vie. Humainement, il est essentiel de retrouver du souffle tout en veillant à ne pas laisser une partie de la population au bord de la route. Cette crise n’en est en effet pas moins un bouleversement humain pour les personnes isolées, les personnes souffrant de fracture numérique, les personnes défavorisées, les personnes qui déjà avaient des difficultés à trouver un équilibre entre vie privée et vie professionnelle… Si cette crise a des effets positifs apportés par la digitalisation, il faut donc bien mesurer aussi ses effets secondaires.
Les changements en cours sont donc profonds. Et même si, demain, les mesures de distanciation sociale étaient levées, ce que l’on souhaite évidemment, le digital nous aura déjà marqués de son itinéraire et les bouleversements en cours seront devenus réalité. Le digital est donc une partie de la solution à court terme et une évidence à long terme. »
Carte Blanche – Bernard Keppenne, Chief Economist CBC Banque – Le digital, itinéraire d’un remède annoncé