Editorial – On a tous quelque chose en nous… qui relève de l’auto-destruction (et ça se gère).

Cela fait partie de la fonction RH: nous avons une sorte d’obligation morale d’être positif. Engagement, enthousiasme, inspiration… tout ceci fait partie des rôles et responsabilités du People Manager. C’est pourquoi nous essayons la plupart du temps de nous extasier face au génie créatif et à l’énergie inépuisable de nos collègues. Mais entre nous, nous savons qu’il n’y a pas que cela. La raison pour laquelle notre génie et notre énergie ne délivrent pas toujours les résultats attendus, c’est parce que nous avons aussi en nous un instinct d’auto-destruction puissant. Dangereux et souvent inarrêtable. Cet instinct, il nous semble qu’il faut le laisser s’exprimer, chez nous comme chez toutes celles et tous ceux qui nous entourent,… tout en veillant à gérer son impact sur les autres qui n’ont, au fond, rien demandé. Pourquoi? Comment?

Si vous vous demandez de quoi nous parlons ici, considérez ceci comme une invitation à regarder autour de vous: les conflits armés, la détérioration de nos ressources naturelles ou les atteintes nombreuses à notre santé mentale sont autant de preuves indiscutables de notre capacité globale à démolir ce qui se trouve à notre portée. Ramenons cela à la réalité de terrain qui nous intéresse, à savoir le quotidien de l’entreprise, et nous voyons que la même dynamique est bien souvent en marche. Quels sont les constats? Des projets qui échouent, des équipes qui se déchirent, des carrières qui se plantent parce que l’un.e ou l’autre a décidé de laisser parler cet instinct qui consiste à détruire ce qu’elle ou ce qu’il a construit et qui semble fonctionner (même si parfois c’est difficile) pour aller chercher autre chose, ailleurs…

Comme une volonté de tester notre résilience

L’hypothèse est la suivante: c’est le principe du dépassement de soi, ancré dans notre cerveau reptilien ou pas loin de là, qui nous pousse à détruire ce que nous avons voulu et obtenu. D’une certaine manière, peut-être pensons-nous que nous sommes tous de grands sportifs qui s’ignorent et que l’envie de savoir jusqu’où nous pouvons aller dans la douleur est irrépressible. C’est la quête de l’exploit qui nous mène à repousser nos limites, quitte à souffrir pour cela…

Tomber sept fois, se relever huit. D’accord… A condition de préciser que nous sommes dans ce cas les organisateurs de nos propres chutes, dans le seul but de vérifier notre capacité à rester en vie (notre résilience donc). Formulée de la sorte, la démarche est ‘positive’ même si elle sonne ‘égoïste’. Car c’est faire en effet bien peu de cas de l’impact que nos pulsions dévastatrices exercent sur les autres.

Les dégâts et dommages collatéraux sont-ils acceptables ?

Si nous étions seuls que ce soit dans la sphère privée ou dans la sphère professionnelle, s’infliger la destruction de ce que l’on a mis du temps à concevoir et à mettre en oeuvre ne regarderait que nous. Mais ce n’est pas le cas. Il y a toujours quelqu’un (et il y en parfois même plusieurs) qui nous aime, de près ou de loin. Prendre l’initiative de s’auto-anéantir, c’est répondre à un appel furieux, une pulsion que l’on ne maîtrise pas vraiment. Le moindre raisonnement construit nous guiderait vers davantage de tempérance et surtout vers l’exercice de la responsabilité que nous avons vis-à-vis de celles et ceux qui se sont engagés avec nous dans un projet.

Comment protéger donc les collègues et les proches qui nous ont fait confiance et se retrouvent dès lors exposés à notre instinct mortifère? La méthode est simple : veillons à nous entourer de personnes qui sont meilleures que nous, plus talentueuses et capables de mener la barque à l’avenir! Bien s’entourer reste à la fois le meilleur moyen de grandir à titre personnel et une façon intelligente de garantir la continuité de l’aventure lorsque nous décidons de passer par la case CTRL ALT DEL. Ainsi, et puisque la nature a profondément horreur du vide, ce que nous démolissons sera remplacé par une autre initiative, un nouveau projet, une nouvelle équipe plus forte que la précédente.

Des moyens de se protéger contre soi-même

Prendre conscience du mécanisme constitue la première étape. Ensuite, il s’agit de développer une forme de retenue qui nous permettra de limiter l’impact de nos décisions auto-destructrices, par exemple en faisant une pause et en évitant ces fameux dommages collatéraux. L’auto-régulation, qui confine à la sagesse avec l’âge, est une solution. Ce n’est pas le seule bien sûr. Bénéficier du regard tendre de quelqu’un qui comprend ce que nous sommes en train de faire, sans essayer d’en tirer parti, est plus que précieux. Il s’agit même sans doute de l’expression parfaite de ce qu’est l’esprit collectif.

En solo comme en équipe, pratiquer cette prise de recul nous aide à développer petit à petit notre capacité à détecter ce phénomène lorsqu’il se manifeste au sein de nos équipes. Dans notre rôle de People Manager, nous voyons chaque jour des talents plus ou moins affirmés qui s’abîment, faute de comprendre ce qui les pousse à casser leurs jouets. Nous pouvons leur proposer des carrières non linéaires, des changements de cap, des ruptures heureuses… Bref, notre arsenal est riche en solutions.

C’est un élan vital qui nous pousse à nous détruire ou, à minima, à nous auto-infliger quelques douleurs. Bien sûr, on peut se demander:  »mais pourquoi tant de haine auto-dirigée?’’ Notre conviction, c’est que ces phases d’auto-destruction font partie de notre développement personnel, avec cette dimension spontanée et sauvage qui nous rappelle qu’il est bon de péter un câble de temps en temps. A condition, toutefois, de préserver l’intégrité et la confiance de nos collaborateurs, de nos pairs, de nos amis. Garder le lien. Toujours.

Jean-Paul Erhard

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