Editorial – Les super talents, dotés de super egos, vont devoir choisir entre la modestie et la frustration s’ils veulent réussir l’aventure collective.

L’addition des top talents ne garantit pas le succès. Les exemples sont légion. Sports, Politique, Arts Majeurs… Ces domaines d’application divers peuvent inspirer nos entreprises. En cause, le rapport compliqué entre les egos hypertrophiés et les organisations ou projets auxquels ils contribuent au quotidien. Il apparaît à l’évidence que lorsque le talent de l’individu, aussi (in)discutable soit-il, prend le dessus sur le projet collectif, l’échec se profile à l’horizon. Essayons donc de comprendre ensemble pourquoi une stratégie de performance collective basée sur l’addition de talents exceptionnels ne délivre quasiment jamais les résultats attendus.

Au risque de perdre 50% de notre audience, c’est de foot dont nous allons parler aujourd’hui. Kylian Mbappé (ci après affectueusement dénommé Kiki) est aujourd’hui le meilleur joueur au monde, aussi douloureux que ce soit de le reconnaître. Et l’équipe au sein de laquelle il évolue enchaîne les défaites. Dans tous les cas, elle n’atteint pas ses objectifs et ce, alors que Kiki est entouré des autres meilleurs joueurs du monde, considérés comme tels en fonction de la partie du globe d’où nous venons.
Le ‘problème est connu et reconnu : Mbappé est devenu trop gros pour le Paris Saint Germain, son club en l’occurence. Les super talents deviennent inefficients lorsqu’ils se placent au-dessus des institutions qui les emploient. Voici pourquoi.

L’échec récurrent de la stratégie des Galactiques
C’est le fantasme de la plupart des hauts dirigeants et des actionnaires de nos entreprises que de réunir les meilleurs talents au sein d’une équipe, moyennant que ces derniers trouvent un ou plusieurs moyen(s) de coopérer. Equation simple : en réunissant les meilleurs dans leurs domaines respectifs, il est quasi certain que l’on va composer un effectif qui soit lui aussi le meilleur. L’addition simple des talents devrait suffire pour écraser la concurrence.
Pourtant, cette stratégie dite des Galactiques n’a jamais rien gagné. Elle offre parfois des instants exquis. Elle peut même donner lieu à une réelle extase (momentanée). Mais elle ne rencontre jamais les attentes. Cette stratégie parvient à nous éblouir de temps en temps. Cependant, elle n’éclaire pas durablement.
Le retour du terrain est assez lisible : les talents additionnés ne se complètent pas. Ils se neutralisent. Pour une raison qui nous semble plutôt simple: ils ne se regardent pas les uns les autres, ce qui pourrait faciliter la communication. Ils se regardent eux-mêmes, et cela limite leur horizon.

Pourtant, trop d’ego ne tue pas l’ego…

Trop d’impôt tue l’impôt. Trop de choix tue le choix. Trop de messages tue le message. Trop de… L’adage a déjà été décliné à toutes les sauces. Il ne se vérifie cependant PAS lorsqu’il s’agit d’excès relatif à l’hypertrophie du moi. L’ego se nourrit de lui-même et du regard admiratif des autres. Il grandit sans cesse, un peu à l’image des monstres et autres planètes maléfiques qui grossissent à vue d’oeil au fur et à mesure que l’on essaye de les détruire. Jusqu’à preuve du contraire, il peut poursuivre sa croissance de manière infinie. Ce n’est pas lui qui souffre de cette expansion ’naturelle’. C’est son environnement immédiat, qui doit se résoudre à évoluer dans un espace de plus en plus réduit. La place occupée par les egos passés en mode gonflette n’est forcément plus ‘disponible’ pour les petits joueurs qui gravitent autour des ‘étoiles’.
Bref, la culture de l’ego n’est pas in fine un phénomène auto-destructeur. Ce n’est pas l’ego qui en crève. C’est le projet collectif qui en pâtit.

Le poison de la tension salariale

Avec le talent vient la reconnaissance de ce dernier. Dans sa forme la plus concrète, celle-ci s’exprime par le biais de la rémunération. Les hauts profils sont valorisés à hauteur de leur valeur marchande. Kiki figure ainsi au sommet de la pyramide du sport mondial avec plus de 6 millions d’euros bruts mensuels, hors revenus exceptionnels. Une stratégie de rémunération calquée de façon mécanique sur le potentiel ‘économique’ de chaque talent est vouée à l’échec. Elle donne naissance à une tension salariale trop importante, qui constitue un terreau très fertile pour la jalousie qui va pourrir les relations entre les acteurs du quotidien.
Cette question sera centrale à l’avenir. Nous sommes convaincus que nos sociétés (et donc nos entreprises) ne supporteront plus à l’avenir une tension salariale forte. Les écarts de rémunération, même s’ils peuvent être tolérés, nuisent à la cohérence et à la cohésion de l’ensemble. Défi nouveau auquel devront s’atteler nos meilleurs dirigeants: déconstruire la corrélation qui pourrait exister entre la qualité d’un profil, ses performances individuelles et la hauteur de sa rémunération. Rien d’impossible, qu’on se le dise.

Sale temps pour les divas dans nos entreprises? Sans doute… Sauf pour celles et ceux qui pourront se montrer raisonnables et intégrer dans leur schéma de pensée des préceptes collectifs qui dépassent leurs intérêts personnels. Bref, il s’agira tantôt de cultiver la modestie pour s’inscrire dans une dynamique ’sociale’, tantôt de gérer la frustration dans des organisations mal dimensionnées pour leur permettre de briller.
Ce ne sera pas toujours possible. Attention donc… car, lorsque les egos débordent du collectif, l’équilibre de l’ensemble est en danger. Les hauts profils qui souffrent de la lenteur ou de l’incompréhension de ceux qui les entourent seraient bien inspirés d’opter pour l’entrepreneuriat solitaire s’ils veulent s’épargner la douleur de vivre dans une entreprise qui n’avance pas à leur rythme. Et encore… L’histoire nous montre qu’on ne gagne jamais vraiment en solo. Elle nous dit aussi que lorsque ce miracle se produit, force est de réaliser que jouir de cette victoire sans pouvoir la partager n’a décidément pas la même saveur.

Jean-Paul Erhard

Crédit image : ©GettyImages

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