Le monde n’a pas basculé subitement au début de cette semaine avec l’investiture de Maître Donald. Toutefois, l’actualité politique bouscule certaines de nos convictions profondes, bien ancrées dans nos vies professionnelles et personnelles. Elle nous oblige à réfléchir au monde qui nous entoure parce que les provocations et les atteintes à des principes fondamentaux se mutiplient. La validation d’une oligarchie de la Tech, le rejet des étrangers, la remise en cause systématique de la ‘vérité’… Ce sont des pratiques qui sont en train de se normaliser. Elles menacent nos façons d’agir, dans nos entreprises comme dans nos sphères privées. Et que faisons-nous pendant ce temps? Rien, ou presque rien. Nous débattons. Nos entreprises qui ont toujours appliqué les préceptes du grand frère américain vont-elles s’adapter ou résister à ces nouvelles normes?
Si ce début de semaine devait ouvrir les portes d’une nouvelle ère, ce serait celle de la brutalité décomplexée. Ce qui nous est proposé aujourd’hui, c’est un modèle violent, frontal, agressif et vindicatif. Un environnement où c’est celui qui ose le plus et qui hurle le plus fort que la majorité n’hésite pas à suivre. On dirait bien que les démarches participatives ont bien du souci à se faire. La vengeance des mâles dominants a commencé…
Des rêves et des ambitions grandioses qui nous inspirent?
Nous assistons au retour du mythe / fantasme de l’homme puissant qui va toucher à l’immortalité et nous mener jusque sur la planète Mars pour aller y boire un spritz, pourquoi pas? Avec quelle réaction du côté de la foule en délire? Un formidable regain d’énergie et d’espoir, une confiance quasi aveugle, un souffle survitaminé qui va nous permettre d’atteindre des sommets.
Les promesses de grandeur visent essentiellement à donner de l’énergie à celles et ceux qui veulent absolument y croire. En soi, ce n’est pas vraiment problématique.
Pour quelles raisons cette vague pourrait-elle donc nous inquiéter ? Parce qu’elle pue la testostérone, parce qu’elle s’appuie sur des thèses masculinistes qui nous dégoûtent et parce qu’elle ne prévoit certainement pas d’attendre et d’embarquer celles et ceux qui n’y arrivent pas.
Le moteur de la démarche, c’est la soif d’accumulation des richesses et la quête absolue de la performance. Elle balayera sans effort les modèles ‘d’entreprises refuges’, qui placent l’intégrité et la sécurité des travailleurs au premier rang. Nous devons donc proposer autre chose, un autre modèle.
La fin de la Diversité et de l’Inclusion: la victoire minutieusement préparée des conservateurs.
D’un côté donc, il y a le rêve à atteindre. De l’autre, il y a les personnes qui ne sont pas invitées pour y participer. L’autre ‘projet’ significatif qui émerge avec le retour de l’agent orange, c’est la fin des politiques de diversité et d’inclusion. Ce n’est pas l’élection de Trump qui a donné le coup d’envoi du processus. Ce sont des mouvements bien plus profonds. Déjà l’automne dernier, même si la nouvelle est passée inaperçue, plusieurs grandes entreprises américaines décidaient de stopper leurs investissements en matière de Diversité et d’Inclusion : en octobre, le groupe Caterpillar annonçait la fin de sa politique en la matière. Harley Davidson a pris le même virage. Et ça continue depuis lors. Des entreprises expliquent qu’elles se sont trompées (par opportunisme politique?) et renoncent à investir dans leurs programmes d’inclusion.
Est-ce que cela va arriver dans nos contrées? C’est à craindre, compte tenu du caractère dominant de la culture US alors que la nôtre est hyper malléable. A moins que… nous ne soyons en mesure de proposer un autre modèle…
La pauvreté et l’agressivité de la communication
Et puis, il y a le terrain (miné) de la communication. Si nous regardons avec un peu d’attention ce qu’il se passe aujourd’hui dans l’arène politique outre-Atlantique, il y a de quoi écrire un manuel de tout ce qu’il ne faut pas faire au point où l’enchaînement des erreurs compose un véritable chef d’œuvre. Le vocabulaire est super restreint, les raisonnements sont binaires et le ton oscille en permanence entre la vulgarité et la méchanceté. Bref, le niveau zéro de l’argumentation dans un format franchement pénible. Et ça marche.
Le danger est réel : appliquer cette méthode aux résultats remarquables équivaut à arrêter de parier sur l’intelligence. C’est un modèle où la dimension pédagogique de la communication n’a pas lieu d’être. Or, nos entreprises jouent un rôle majeur en matière d’éducation. Et il est hors de question d’y renoncer.
Engageons-nous. Accepter l’ensemble de ces évolutions n’est pas une option, même si nous sommes habitués à intégrer dans nos propres schémas ces influences extérieures.
Nous devons répondre à l’aide de nos convictions profondes. Notre capacité de réaction face à la menace est mise à l’épreuve et nous serions mal inspirés d’y répondre par l’affrontement.
Tout n’est pas à jeter. Oui à la performance, oui à l’ambition, oui à la compétition… Nous pouvons afficher un dynamisme entrepreneurial comparable, enrichi de valeurs qui nous sont chères. Celles qui donnent une place centrale à l’altérité et à la solidarité. Ne répondons pas à la provocation par d’autres formes ‘d’agressivité’… Notre seule obligation ? Donner le meilleur de nous-mêmes. Et ce sera parfait.
Jean-Paul Erhard