Interrogés sur l’appréciation des plus de 55 ans, presque neuf employeurs sur dix trouvent les travailleurs de 55 ans et plus aussi performants, voire plus performants, que les collègues plus jeunes dans la plupart des domaines. Les employeurs indiquent que ces derniers affichent un score particulièrement bon à bien des égards en tant que travailleurs. Les employeurs les disent plus impliqués dans l’organisation et plus respectueux, ils délivreraient une meilleure qualité, auraient davantage l’esprit collégial… Non, à l’évidence, les employeurs ne voient aucune raison de moins estimer les travailleurs de plus de 55 ans par rapport aux jeunes. Pourtant, ils sont peu nombreux à intégrer des mesures qui leur sont spécifiquement destinées dans leurs initiatives.
Il ne s’agit certainement pas d’opposer les générations, mais sans doute de comprendre pourquoi les employeurs n’intègrent pas davantage de mesures spécifiques aux seniors dans leurs politiques RH alors que ce segment de population s’avère être un des plus performants.
Le sondage que le groupe de services RH ACERTA a mené auprès de CEO/HR managers révèle que ces derniers portent un regard très positif sur leurs travailleurs de plus de 55 ans. « Cette appréciation positive n’est pas vraiment le fruit d’une approche RH spécifique, car les employeurs s’en préoccupent moins. En 2016, 40 % des employeurs n’engageaient aucun travailleur de plus de 55 ans. »
Pas de politique spécifique
Environ un quart des personnes interrogées estiment les travailleurs de plus de 55 ans moins performants que leurs collègues plus jeunes en matière d’absentéisme de courte durée (tant sur la durée que sur la fréquence) et en matière de flexibilité. À l’inverse, un groupe plus conséquent – environ 30 % – estime que les 55 ans et plus affichent précisément un meilleur score par rapport à ces caractéristiques que leurs collègues plus jeunes. 23 % des personnes interrogées pensent cependant que les travailleurs âgés sont moins productifs que les jeunes, tandis que seulement 10 % à peine prétendent le contraire.
Cela dit, la satisfaction des employeurs vis-à-vis des travailleurs de plus de 55 ans est peut-être précisément là où le bât blesse. En effet, ils ne ressentent pas la nécessité d’une approche différente envers ce groupe ou d’une employabilité spécifique « puisqu’ils se débrouillent quand même bien ». Benoît Caufriez explique: « Une bonne politique de rétention peut certainement revêtir une forme plus créative que l’octroi de congés supplémentaires, manifestement le premier réflexe chez 51 % des employeurs. »
Traduction dans le recrutement ?
Benoît Caufriez, business manager d’ACERTA Consult : « Et pourtant, malgré l’expérience et l’appréciation positives, les entreprises n’engagent que difficilement des personnes âgées. » Leurs prestations n’y sont pour rien. Dans le questionnaire, les employeurs indiquent que les nouvelles recrues de plus de 55 ans affichent pour 62 % un score aussi bon que les travailleurs de plus de 55 ans déjà en service depuis longtemps. 21 % des personnes interrogées les trouvent même plus performants encore que les collègues âgés avec plus d’ancienneté.
« Et pourtant, nous constatons une sous-représentation des travailleurs de plus de 55 ans dans les nouveaux engagements. 82% des employeurs affirment engager moins de 10% de travailleurs de plus de 55 ans dans l’année écoulée. De manière classique, on pourrait indiquer le salaire comme raison justifiant que les travailleurs de plus de 55 ans ont moins de chance d’être engagés par un employeur : les gens avec une plus grande expérience professionnelle coûtent plus cher, et c’est peut-être là le hic. Mais lorsque nous interrogeons sur les motifs de licenciement des travailleurs de plus de 55 ans, seulement 10 % des employeurs s’avèrent faire référence au salaire plus élevé. Le salaire ne semble donc pas un élément réellement déterminant dans la rétention ou l’engagement. Conclusion : en réalité, les employeurs ne voient pas réellement de raison de ne pas opter pour un travailleur plus âgé doté des bonnes compétences. Ils semblent juste avoir besoin d’un coup de pouce pour convertir ce constat en une approche RH positive. »
L’État oblige les employeurs à mettre sur pied un plan pour l’emploi pour les 45 ans et plus. Ils n’y mettent pas un grand entrain, ne fût-ce que parce qu’aucun employeur ne considère les 45 ans et plus comme une catégorie nécessitant un accompagnement particulier. Benoît Caufriez : « 45 ans, cela représente le milieu d’une carrière. C’est vrai, ce n’est pas (encore) “âgé”. Cela dit, un plan de carrière est toujours une bonne idée. Investir dans la formation est toujours un bon moyen de maintenir la motivation, l’employabilité et la flexibilité, quel que soit l’âge. Les travailleurs devraient donc considérer toute leur carrière comme “à part entière”, y compris donc après 55 ans. Ce qui est dommage, c’est que les employeurs font bel et bien des efforts pour leurs seniors, mais généralement trop tard. 72 % indiquent prévoir des conseils de carrière, un trajet de formation et/ou de coaching. Mais quand le font-ils ? Quand il a déjà été décidé au fond que leurs bons vieux collaborateurs ne cadrent plus avec l’organisation. En faisant le même investissement plus tôt, les entreprises hériteraient d’un paquet de talents. »
A quel âge devient-on un travailleur ‘âgé’ ?
Les gouvernements successifs prennent depuis des années des mesures pour maintenir dans la vie active les travailleurs ‘âgés’. Par exemple, en augmentant l’âge de la pension, en relevant l’âge pour le RCC (régime de chômage avec complément d’entreprise) et pour un emploi de fin de carrière. À la vue des chiffres ci-dessus, force est de constater que le changement de mentalité s’est assurément déjà opéré chez les employeurs : dans la grande majorité des cas, on ne colle pas l’étiquette ‘âgé’ à un travailleur avant ses 55 ans. C’est pourquoi ACERTA estime qu’il ne s’agit plus d’obliger les employeurs à prévoir au niveau de l’entreprise un plan pour l’emploi spécifique aux 45 ans et plus parce que ceux-ci seraient considérés comme des travailleurs âgés (CCT n° 104 du Conseil National du Travail, conclue en 2012) ou de conférer un droit à l’outplacement à chaque travailleur licencié de 45 ans et plus, quelle que soit son ancienneté (CCT n° 82 du Conseil National du Travail, conclue en 2002). Mieux vaudrait porter à 55 ans la limite d’âge reprise dans ces réglementations. Cela correspond d’ailleurs plus ou moins à la limite d’âge prévue par les Régions pour octroyer une réduction spéciale des cotisations ONSS en cas d’engagement ou d’occupation d’un travailleur âgé (Bruxelles et la Flandre prévoient un âge minimum de 55 ans ; la Wallonie octroie une réduction limitée dès l’âge de 54 ans).