Inquiétante conclusion d’une étude menée par l’Antwerp Management School et le groupe SD Worx : selon celle-ci, les entreprises belges font nettement plus que les pays voisins une distinction entre les free-lances et les collaborateurs permanents. La majorité d’entre elles (62,5%) persistent dans le développement d’une approche différenciée de leurs travailleurs sur base de leur statut.
97% des entreprises font appel à des free-lances, qui peuvent être déployés rapidement et de manière flexible, compte tenu de la pénurie persistante sur le marché de l’emploi.
Un collaborateur sur dix de nos entreprises est free-lance, mais seules trois entreprises belges sur dix (28,8%) disposent pour eux d’une politique des RH adaptée. Moins de quatre entreprises belges sur dix (37,5%) évaluent les free-lances selon le même processus que les collaborateurs permanents. Ces chiffres sont très différents de ceux rapportés pour l’Allemagne, la France, les Pays-Bas et le Royaume-Uni.
Quatre entreprises belges sur dix (37,5%) ne font aucune distinction dans leur politique des RH entre les collaborateurs permanents et les free-lances. Dans les autres pays européens soumis à l’enquête, cette part est nettement plus élevée. Une organisation belge sur trois (33,8%) a uniquement une politique des RH pour les collaborateurs permanents. Près de trois entreprises belges sur dix (28,8%) ont une politique des RH distincte pour les free-lances.
Evaluations différenciées ?
Un peu plus d’un tiers des entreprises belges (37,5%) évaluent leurs free-lances selon le même processus que leurs collaborateurs permanents. Cette part est nettement inférieure à celle observée dans les autres pays de l’enquête, où près de deux tiers des entreprises (63,2%) ne font aucune distinction entre le personnel permanent et les free-lances dans le processus d’évaluation. Il en va de même du feed-back au sujet des prestations : 53,2% des entreprises belges ne font pas de distinction entre les collaborateurs permanents et les free-lances dans le cadre de ce processus, contre en moyenne 70,8% dans les autres pays.

Les entreprises belges investissent aussi moins que les autres pays dans leur personnel free- lance. Moins de quatre free-lances sur dix (38,8 %) se voient offrir des formations spécifiques par leur entreprise, un chiffre qui est nettement supérieur au Royaume-Uni (54,5%), en France (49,3%) et en Allemagne (47,8%). Les Pays-Bas affichent par contre un score encore inférieur pour ce critère (34,4%).
Jean-Luc Vannieuwenhuyse, conseiller juridique au Centre de connaissances de SD Worx : « Le cadre légal est particulièrement strict en Belgique. Les salariés ont un lien de subordination avec l’employeur, contrairement aux indépendants ou aux free-lances. Traditionnellement, nous associons une politique des RH à la relation classique entre employeur et travailleur. Dans la collaboration avec les free-lances, l’autorité patronale est proscrite afin d’éviter que le free- lance ne puisse être pris pour un faux indépendant. Une politique des RH à l’intention des collaborateurs externes ne peut par conséquent pas comporter les indications classiques de l’autorité patronale. Le free-lance est plus libre qu’un collaborateur permanent dans son organisation du travail et ses horaires. On remarque toutefois une évolution du contexte : la frontière entre salariés et indépendants s’estompe et de plus en plus d’entreprises font appel à des free-lances. Des voix s’élèvent également pour faire évoluer la législation en conséquence. Pour notre part, nous plaidons en tout cas pour une politique des RH inclusive. Il n’existe aucune base juridique qui empêcherait les organisations de mener une politique des RH pour les collaborateurs externes. Naturellement, cette politique devra tenir compte de la législation et ne pourra donc pas comporter d’éléments laissant transparaître un lien de subordination ou une quelconque autorité de l’employeur. »
Moins impliqués, les free-lances ?
Six entreprises belges sur dix (61,3%) tentent d’intégrer les free-lances dans leur culture d’entreprise et leur manière de travailler. Ce pourcentage est légèrement inférieur à celui des autres pays étudiés (67,7% en moyenne). L’implication des free-lances dans les activités organisées pour le personnel permanent, comme les fêtes d’entreprise, est en outre plutôt limitée dans notre pays (53,8%). Dans les autres pays, on relève un score d’en moyenne 68% pour ce critère.
« Nombre d’entreprises font de nos jours appel à des free-lances pour des tâches clés ou des missions à plus long terme. Une politique des RH visant cette catégorie de collaborateurs ne revêt pas seulement un intérêt pour l’entreprise elle-même. Dans l’intérêt de la durabilité de la carrière du free-lance également, il est important que ce dernier reçoive un feed-back au sujet de ses prestations, ou puisse discuter d’aspects comme le développement professionnel et les perspectives de carrière. », explique Ans de Vos, professeur à l’Antwerp Management School.

À propos de l’enquête – SD Worx et l’AMS ont interrogé un échantillon représentatif de 1 074 employeurs recourant à des talents flexibles dans les cinq pays suivants : la Belgique, la France, l’Allemagne, les Pays-Bas et le Royaume-Uni.