La guerre des talents (techniques) se jouera aussi sur le front des salaires. La pénurie mondiale de main-d’œuvre qualifiée – aka ‘Guerre des Talents’ – va entraîner une pression à la hausse sur les salaires. En Belgique, les prévisions annoncent que les salaires pour les profils techniques rares vont augmenter de 15 à 20% d’ici 2020. Les augmentations salariales sélectives semblent inévitables.
De nombreuses offres d’emploi ne trouvent pas preneurs. Du coup, les entreprises à travers le monde subissent une forte pression sur les salaires alloués aux talents rares. Le Salary Surge Study, une étude internationale menée par Korn Ferry Hay Group (KFHG), a étudié les conséquences de l’inadéquation des compétences sur le niveau des salaires.
En 2020, il y aura une pénurie de 7% de profils techniques dans le monde entier. Si la politique reste inchangée, cet écart continuera à augmenter et atteindra 11% d’ici 2025. Cela conduira à une « prime de marché » moyenne de 9.700 euros par an pour ces profils techniques. « La Belgique reste un peu en-dessous de ce chiffre avec 8.500 euros par an », soulignent Sonja Brouwers et Walter Janssens, tous deux experts en rémunération chez KFHG.
Des chiffres publiés par Eurostat cette semaine indiquent que le taux de vacance d’emploi au premier trimestre 2018 s’élevait à 3,5% en Belgique. C’est le taux le plus élevé de la zone euro. Autrement dit, cela signifie que les emplois restent très difficiles à pourvoir en Belgique.
Chaque jour, le problème de la pénurie sur le marché du travail fait l’objet d’analyses et de commentaires. Il est vrai que dans notre pays, les raisons d’aborder ce thème sont légion. On pense évidemment tout de suite au dossier Carrefour avec (à nouveau) des prépensions RCC (régime de chômage avec complément d’entreprise), mais aussi à la discussion sur les métiers dits pénibles. Cette discussion engendre malheureusement la perception négative d’une main d’œuvre (excédentaire) qui ne conviendrait pas pour combler les postes vacants (techniques). «Bien que notre système de RCC soit quasiment unique au monde, le phénomène d’inadéquation des compétences n’est pas spécifique à la Belgique», souligne Walter Janssens, expert en rémunération chez KFHG.
La dualité (dangereuse) du marché du travail se poursuit.
L’enquête annuelle sur les salaires menée par KFHG montre que les entreprises en Belgique continuent de maîtriser leurs coûts salariaux. Toutefois, cette observation sur le plan macroéconomique cache une tendance plus prononcée dans certains domaines d’expertise spécifique. Les experts en rémunérations
de KFHG enregistrent une pression salariale accrue pour les profils STEM (Science, Technology, Engineering, Mathematics). «Concrètement, nous nous attendons à des augmentations de salaire plus fortes pour ces profils par rapport à l’augmentation salariale moyenne», indique Sonja Brouwers. Un récent rapport de la BNB prévoit d’ailleurs une hausse du pouvoir d’achat, entre autres parce que les salaires vont augmenter en raison de la pénurie sur le marché du travail (voir BNB Revue économique – juin 2018).
L’augmentation de salaire attendue sera nettement plus prononcée pour les profils techniques les plus recherchés. L’étude internationale montre que pour la plupart des pays d’Europe occidentale, il existe une prime de marché comprise entre 15 et 25%. « L’instrument d’une prime de marché fait référence à une augmentation salariale supplémentaire au-delà des augmentations salariales moyennes, telles que l’indexation automatique et les augmentations statutaires prévues dans les barèmes», explique Walter Janssens. Une prime de marché sert souvent à faciliter le recrutement et/ou la rétention de profils en pénurie. Une comparaison avec nos pays voisins montre que cette prime est la plus élevée en Allemagne.
Il n’y a pas que l’augmentation salariale qui compte…
Bien que la pression sur les salaires semble inévitable, les entreprises adoptent également d’autres mesures. 50% des entreprises belges indiquent, par exemple, que la réponse qu’elles apportent à la rareté des profils techniques réside dans une formation complémentaire plutôt que dans une simple augmentation des salaires.
«La bataille ne se déroulera pas seulement sur le front des salaires, mais aussi sur le terrain des formations et des investissements dans le développement personnel et les perspectives de carrière. Et ne sous-estimons pas la valeur de la mobilité, de l’accessibilité et de l’équilibre vie privée-vie professionnelle», ajoute Sonja Brouwers. «Les organisations qui sont facilement accessibles et/ou qui ont une approche plus souple en matière d’horaires flexibles et de travail à domicile auront un coup d’avance auprès des candidats ayant le choix entre plusieurs offres. Inversément, les employeurs ayant une politique de présence stricte combinée à une accessibilité difficile devront être encore plus attractifs en termes de salaires afin de faire face à la concurrence.»
Les experts de KFHG ne peuvent pas s’empêcher non plus de dénoncer le fatalisme belge quant à la présence toujours étonnamment faible des plus de 55 ans sur le marché du travail. « Bien sûr, le ou la caissier(e) licencié(e) ne pourra pas remplir un poste dévolu à un informaticien. Mais est-il vraiment impensable que cet(te) ancien(ne) caissier(e) puisse assumer une fonction de service client dans une entreprise de logistique ? Et est-il impossible d’imaginer que l’un des employés actuels de ce service client devienne à un moment donné un super-utilisateur de l’application informatique sur laquelle travaille l’entreprise ? Dans ce rôle de super-utilisateur, il peut alors devenir un véritable partenaire de discussion pour ce fameux informaticien très recherché, afin que celui-ci puisse travailler plus efficacement », illustre Walter Janssens. « Il suffit de penser à des entreprises comme Cegeka ou Getronics, par exemple. Ces entreprises ont décidé de prendre les choses en main et d’organiser des formations à grande échelle pour des employés potentiels, même lorsque ceux-ci ont un parcours professionnel et des connaissances différents à la base. »