Selon une enquête menée par la Mutualité chrétienne et relayée ce matin par la RTBF, le travail est le principal facteur de causalité de l’explosion des incapacités de longue durée. En quinze ans, le nombre de personnes en arrêt de travail depuis plus d’un an a plus que doublé. Si l’on tient aussi compte des personnes en incapacité de travail depuis moins d’un an, les dépenses liées aux indemnités de travail ont doublé en neuf ans et atteignaient 8,6 milliards d’euros en 2019.
Dans son enquête, la Mutualité Chrétienne a interrogé ses affiliés en incapacité de travail. 4350 personnes ont participé à l’étude qui a été menée juste avant la pandémie de Covid-19. Il est donc fort probable que ces chiffres se soient encore alourdis avec la crise du Covid. « Avec le lourd impact de la crise sanitaire, cette tendance ne s’inversera probablement pas de sitôt », écrit la Mutualité Chrétienne dans son communiqué.
Les chiffres présentés par la Mutualité chrétienne parlent d’eux-mêmes. En 2020, notre pays comptait 470.000 personnes en arrêt de travail depuis plus d’un an. En quinze ans, leur nombre a plus que doublé. Si on y ajoute les personnes en incapacité de travail depuis moins d’un an, les dépenses liées aux indemnités de maladie s’élevaient déjà à 8,6 milliards d’euros en 2019. Neuf ans plus tôt, en 2010, ce montant atteignait 4,7 milliards d’euros. Cela représente une augmentation de 7% par an.
56% des personnes interrogées estiment que leur travail est (en partie) responsable de leur arrêt de travail. C’est particulièrement le cas pour les personnes confrontées à un burn-out (90%) ou à une maladie mentale (69%). Elles citent principalement la charge de travail élevée et les mauvaises relations avec les responsables comme raisons de leur absence. Les personnes souffrant de maladies du système ostéoarticulaire et des tissus conjonctifs (par exemple, mal de dos) pointent souvent (64%) du doigt leur travail, bien que pour elles la cause réside plus souvent dans la charge physique.
D’une manière générale, il existe également un lien avec l’autonomie dont bénéficie une personne sur le lieu de travail. Les personnes qui peuvent décider elles-mêmes de la manière dont elles accomplissent leurs tâches seront moins susceptibles de désigner leur situation professionnelle comme cause de leur incapacité de travail.
Burn-out, dépression, angoisse…
Les réponses données par les 4350 membres de la Mutualité Chrétienne aux questions qui leur ont été posées dans l’enquête permettent d’identifier une série de raisons pour expliquer l’origine des incapacités de travail.
Pour 37% des répondants, soit un peu plus d’un tiers des travailleurs, la cause de l’incapacité de travail est à aller chercher dans un burn-out ou une affection psychique (dépression, crises d’angoisse,…). Pour 47,7% des personnes ayant participé à l’enquête, soit près d’une personne sur deux, l’origine est à trouver dans des maladies du système ostéoarticulaire et des tissus conjonctifs et/ou entorses, fractures et blessures. Viennent ensuite, pour 7,7 des personnes, les cancers. Ensuite, les maladies cardiovasculaires (5,3%), les maladies neurologiques et sensorielles (5,4%), la fibromyalgie ou le syndrome de fatigue chronique (SFC) pour 4,4%, les affections digestives (maladie de Crohn, colite ulcéreuse, etc.) pour 3,4% des personnes, ou encore des affections respiratoires (asthme, bronchite chronique, emphysème pulmonaire, etc.).
La Mutualité Chrétienne estime que l’employeur a un rôle à jouer dans le processus de rétablissement du travailleur, même si une personne n’est plus au travail en raison d’une maladie ou d’un accident. « Les malades de longue durée indiquent qu’il est principalement important de leur laisser le temps de se rétablir. Le soutien des responsables et des collègues peut également faire la différence », communique la Mutualité Chrétienne. Pourtant, relève l’étude, « plus de la moitié des personnes interrogées ont déclaré ne pas se sentir soutenues par leurs collègues ». Quatre personnes sur dix se sont, malgré tout, senties soutenus par leur supérieur hiérarchique.
La Mutualité chrétienne rappelle que, ces dernières années, la question de la reprise du travail après une incapacité de travail a fait l’objet d’une attention accrue, « or même ceux qui reprennent le travail se heurtent encore à des obstacles », constate la Mutualité. Ainsi, dans 40% des cas, ceux qui ont demandé un aménagement de leur travail c’est-à-dire à travailler moins d’heures, à avoir une fonction adaptée ou à bénéficier d’horaires plus flexibles, n’ont pu les obtenir. Et quand l’employé est moins performant, une personne sur cinq ne ressent aucune compréhension sur son lieu de travail.
« Nous ne devons pas pointer du doigt. Beaucoup d’entreprises et d’organisations font actuellement des efforts considérables pour que le travail reste fonctionnel », explique Elisabeth Degryse, vice présidente de la MC. « Mais nous ne pouvons pas ignorer les faits : si 470.000 personnes sont malades pendant une longue période, il se passe certainement quelque chose. Il faut un changement de paradigme, une approche globale pour relever cet immense défi sociétal », explique-t-elle.
Pour la Mutualité chrétienne, la réintégration sur le lieu de travail est un aspect de la question, mais il faudra aller beaucoup plus loin. « Nous devons éviter que les personnes tombent en incapacité de travail et nous concentrer plus que jamais sur le bien-être sur le lieu de travail », plaide la Mutualité qui souligne que les gens ne travaillent pas seulement pour gagner de l’argent, mais aussi « parce qu’un emploi donne également un sens à la vie, offre aux gens un réseau social sur lequel s’appuyer et leur donne la satisfaction de se rendre utile à la société ».
La Mutualité Chrétienne en appelle à la responsabilité collective de faire tout ce qui est possible pour que le travail reste viable. « Au lieu de rendre malade, un travail doit maintenir en bonne santé », conclut la Mutualité.
Source: RTBF – Mutualité Chrétienne