Promis promis, rien de subversif dans ce nouveau titre… L’entreprise ‘cocon’, c’est le principe d’une entreprise que les travailleurs pourraient considérer comme un refuge, une ’safe place’ comme nous pourrions l’appeler aujourd’hui. Un endroit où il est bon de se retrouver (et de retrouver ses collègues) lorsque les épreuves de la vie nous frappent durement. Après avoir incarné les valeurs de défi et l’instabilité chronique, l’entreprise redevient-elle, par nécessité de rétention et de bien-être, un lieu synonyme de sécurité?
La représentation de l’entreprise comme endroit de dépassement de soi et de quête absolue de la performance est-elle définitivement dépassée?
Sommes-nous en train de prendre part au retour du paternalisme patronal?
Nos organisations vont-elles s’emparer d’un nouveau rôle visant à ‘rassurer’ les collaborateurs qui sont ébranlés par les aléas des crises et les difficultés personnelles?
Que de questions ouvertes !!! Voici donc quelques (tentatives de) réponses à destination de nos (people) managers et dirigeants, sous forme de pistes de travail à privilégier pour les jours, semaines et mois qui viennent…
Ré-investir la valeur Travail, et vite !
Ce à quoi nous assistons actuellement est pour le moins étonnant… La pression qui s’exerce sur les entreprises afin de prendre en charge des thématiques fortes telles que la santé mentale et le développement durable est une manifestation évidente de ce ‘retour’ à l’entreprise cocon.
Il ne s’agit pas seulement d’améliorer l’intégration de l’organisation dans un écosystème vertueux. Il s’agit aussi de créer un environnement de travail qui réduit autant que possible les douleurs et souffrances que ses activités peuvent provoquer et d’offrir un cadre sécurisé voire épanouissant. Ce n’est pas nouveau, certes, mais le niveau d’exigence est quant à lui inédit.
En quoi ceci peut-il nous surprendre? A l’heure où nous voyons que les travailleurs désinvestissent la valeur Travail et revendiquent le droit à la paresse, l’entreprise multiplie les efforts pour retisser les liens et répondre à leurs attentes contradictoires. Ce n’est pas une mince affaire car nos collaborateurs veulent se sentir bien dans l’entreprise mais pas forcément pour venir y travailler! Les témoignages drôles (ou tragiques, c’est selon) sont nombreux: on vient désormais au bureau pour se réchauffer, ou pour prendre sa douche… mais surtout, on y vient pour être ensemble. Prenons soin d’éviter les caricatures bien entendu, mais il faut reconnaître que le travail n’est clairement plus la première motivation pour rejoindre les murs de nos organisations, sauf lorsque nous y sommes obligés. Il va falloir y remédier sans tarder.
Contre le sens de l’urgence et ses conséquences
Un des éléments clés de ce ’nouveau’ paradigme’ passe par la manière dont nos entreprises appréhendent la gestion du changement.
La création du « sens de l’urgence » doit-elle rester une priorité? Ces foutues notions de ‘burning platform’ ou de banquise qui fond à vue d’oeil, destinées à ‘réveiller’ les troupes afin qu’elles comprennent qu’il est grand temps de se mobiliser ne fonctionnent pas. Elles génèrent dans la plupart des cas de l’immobilisme.
Dans la mesure où tout fout le camp, est-il vraiment pertinent de lutter contre des évolutions inexorables, d’affronter des vagues de transformation digitale (par exemple) qui vont tout emporter? Nous ne disons pas ici que le changement n’a pas de vertu. Nous devons l’aborder avec une grille de lecture qui n’est construite ni sur la menace ni sur la fatalité. Il doit y avoir des opportunités de grandir et d’améliorer le sort de chacun, à condition d’y prendre une part active. Le principe directeur du change management devrait rester un accord mutuel et bénéfique pour toutes les parties concernées.
Exclusivité de la relation
Enfin, la question de la loyauté s’installe au centre de la relation de travail entre employeur et employé au fur et à mesure que l’hybridation du travail se généralise. Puisque le cumul des fonctions devient monnaie courante et que les rôles stratégiques ne souffrent plus d’allergie vis-à-vis du statut d’indépendant, la qualité d’accueil de l’entreprise s’impose parmi les outils de séduction à mettre en oeuvre. Offrir un environnement douillet, donner des perspectives d’avenir et investir dans l’harmonie du collectif constituent certainement autant d’axes de travail pour que les collaborateurs préfèrent venir ici, au lieu d’aller vérifier si l’herbe n’est pas plus verte ailleurs.
Chaque jour, il faut redoubler d’efforts pour reconquérir et poser les bases d’une relation exclusive qui nous prodigue une bonne dose de sécurité psychologique… Diable, comme tout ceci peut sonner vieux jeu, n’est-ce pas? Mais puisque nous sommes entre nous, avouons qu’une relation (ou un contrat) basée sur un amour sincère et réconfortant, cela reste le graal, non?
Jean-Paul Erhard