Depuis 2012, il n’y a pour ainsi dire plus de rotation volontaire sur le marché belge de l’emploi. Pourtant, selon le baromètre annuel de la rotation du personnel de Securex, on observe un nombre record d’emplois vacants qui ne parviennent pas à être pourvus. En cause: le vieillissement de la population, l’inadéquation entre la demande et l’offre sur le marché de l’emploi et l’importance que nous accordons encore toujours en Belgique au contrat à durée indéterminée.
Notre marché de l’emploi semble paralysé. Les travailleurs ne changent pour ainsi dire plus d’emploi (5,75 % en 2017, contre 5,18 % en 2016) de leur propre initiative et les employeurs conservent eux aussi leur personnel fixe dans leur entreprise. La rotation involontaire en 2017 (4,10 %) a très faiblement augmenté par rapport à 2016 (3,72 %).
Frank Vander Sijpe, HR Research Director chez Securex : « Les chiffres de 2017 sont à nouveau très semblables à ceux des années précédentes : il y a peu d’enthousiasme à changer d’emploi. Pourtant, compte tenu du nombre record d’emplois vacants en 2017 en Belgique, on s’attendrait à ce qu’il y ait plus de mouvement sur notre marché de l’emploi. Il semble que tant les travailleurs que les employeurs prennent peu d’initiatives de changement. »
Plus on est âgé, moins on change de travail. Il ressort du baromètre que 2% à peine des Belges de plus de 50 ans ont quitté leur employeur. Le taux d’activité des plus de 55 ans a augmenté, ce qui accroît l’impact sur l’échantillon total.
La mobilité réduite dans ce groupe de travailleurs provient en partie de la rémunération liée à l’ancienneté. En Belgique, ce sont surtout les employés qui bénéficient d’une progression salariale sur la base des années de service. Il en résulte que la tension salariale pour les employés entre quelqu’un qui commence un emploi et quelqu’un en fin de carrière dans la même fonction s’élève, en fonction de la commission paritaire, de 20 à parfois 70 %, sans qu’il existe un rapport linéaire avec la performance ou la productivité individuelle (Cf. étude du professeur Luc Sels, KULeuven).
Frank Vander Sijpe : « Les entreprises n’engagent pour ainsi dire aucun travailleur de plus de 50 ans, ce qui explique que de nombreux travailleurs âgés restent en place jusqu’à l’âge de la pension. La rémunération sur la base de l’ancienneté produit des cages dorées. C’est une évolution préoccupante et cela défavorise de surcroît les employés qui, plus tard dans leur carrière recherchent – volontairement ou non – un autre emploi. »
Beaucoup d’emplois vacants…
On observe un nombre record d’emplois vacants. Le Forem a reçu l’année dernière 184.617 offres d’emploi, soit 30.91% de plus que l’année d’avant. La demande de main-d’œuvre est spécifique et sectorielle en fonction de la combinaison des recrutements de remplacement et de croissance (OVER.WERK Tijdschrift van het Steunpunt Werk, 2017). On constate néanmoins que bon nombre de ces postes vacants ne parviennent pas à être pourvus.
Que pouvons-nous faire pour pallier cette inadéquation ?
Il existe un groupe inexploité de personnes en âge de travailler qui peine à trouver un emploi (Steunpunt Werk & Economie, Sarah Van Steenkiste). En Belgique, en 2016, 70,2% des autochtones étaient au travail. En même temps, le taux d’emploi des personnes nées en dehors de l’Union européenne s’élevait à peine à 49,1%. Nulle part ailleurs en Europe, le décalage n’est aussi grand.
De nombreux travailleurs veulent se développer, prendre des initiatives, changer, mais sont prisonniers de la cage dorée du contrat à durée indéterminée. La multiplication des indépendants ou des approches telles que le « portage salarial » français peuvent dynamiser le marché.
Patrick Lootens : « Mais les entreprises sont nombreuses elles aussi à se cramponner à l’idée que quiconque appartient au ‘cœur de métier’ d’une organisation doit être une personne ‘physiquement’ présente avec un contrat à durée indéterminée. L’apparition de formes de travail atypiques offre toutefois de nombreuses opportunités qui ne sont pas encore exploitées de manière optimale. »
À propos de l’étude – Les pourcentages de rotation de personnel en 2017 se basent sur un échantillon de 36.629 travailleurs belges du secteur privé. Il s’agit là du plus grand échantillon représentatif possible de la population active, que nous avons tiré d’un fichier initial de 332.289 travailleurs (se base sur des échantillons des banques de données du secrétariat social de Securex). Les chiffres concernent tous les travailleurs belges actifs dans le secteur privé, à l’exception de ceux travaillant dans une entreprise qui emploie plus de 1000 travailleurs. Seuls les travailleurs qui ont travaillé au minimum un jour pendant la période concernée, et ont un contrat de plus de 30 jours ont été admis dans l’échantillon. Les groupes suivants de travailleurs ont été exclus : intérimaires, étudiants, indépendants et (pré)pensionnés. Attention : les travailleurs du secteur public ne font pas partie de l’échantillon.