On entend régulièrement que les collaborateurs sont la principale richesse de leur entreprise. Sera-ce encore le cas après le Covid-19 ? Examinons la situation de la pandémie où, d’une semaine à l’autre, un grand nombre d’entreprises se sont retrouvées paralysées et potentiellement en grand danger économique et financier. Quel serait un comportement normal en cas de ‘grand danger’? Se précipiter pour mettre sa principale richesse à l’abri. Or, c’est précisément l’inverse qui s’est produit.
Très vite après le début du confinement, des licenciements massifs ont été annoncés dans le monde entier. Et malheureusement, ce n’est pas terminé. Il ne s’agit pas ici de porter un jugement sur les mécanismes propres à notre économie de marché. Il s’agit de démontrer simplement que les travailleurs ne sont pas la principale richesse des entreprises. La crise Covid-19 aura au moins eu le mérite de nous ouvrir les yeux sur cette « fake news » historique. Pourquoi historique ? Parce que ce n’est pas nouveau. Au cours des 30 dernières années, près de 90% des entreprises qui ont annoncé des licenciements massifs ont vu leur cours de bourse … augmenter.
Mas alors, quelle est la principale richesse des entreprises? Leurs clients? Leur capital? Leurs produits? Non. La principale richesse de toutes les organisations du monde sans exception, ce sont les compétences (utiles) de leurs collaborateurs, c’est-à-dire leur savoir, leur savoir-faire et leur savoir-être. La nuance est de taille. Voyez ce qui se passe sur le marché du travail pour les infirmiers ou les informaticiens par exemple : pour eux, pas de crise de l’emploi car même s’ils devaient perdre leur job dans la tourmente du Covid-19, ils n’auront aucun mal à en retrouver un immédiatement.
En parallèle, depuis vingt ans, on observe un problème préoccupant concernant les compétences : leur durée de vie ne cesse de diminuer. Ainsi par exemple, en 1970, un employé non spécialisé pouvait espérer « surfer » sur ses compétences acquises lors de sa formation de base (école, haute école, université) jusqu’ ‘à la pension.
Aujourd’hui, la durée de vie d’une compétence est de 3 à 5 ans maximum. De nombreux travailleurs et employeurs n’en ont pas conscience (ou préfèrent ne pas le savoir). Et le problème n’est pas tant une question d’âge biologique mais d’état d’esprit : nous connaissons tous de jeunes qui sont vieux et des vieux qui sont jeunes !
A la lumière de ce qui précède, lors de la mise en place des mesures court-terme de relance de l’économie post-Covid-19, il serait normal d’exiger des entreprises bénéficiant d’aides publiques qu’elles fassent le nécessaire pour devenir également « apprenantes » c’est-à-dire un lieu où leurs collaborateurs apprennent continuellement à apprendre ensemble. Et pour cela, il existe de nombreuses méthodes (collaboratives) qui ne sont ni complexes ni coûteuses mais qui doivent faire partie intégrante de la vision et des plans d’action de nos dirigeants en support de la performance de nos organisations et de « l’employabilité » de nos concitoyens.
En conclusion, si les politiques, les chefs d’entreprises et les partenaires sociaux ne prennent pas cette problématique en compte rapidement et de manière visible, nous serons en droit de leur demander des comptes l’heure venue car ils se seront tout simplement rendus coupables de non-assistance à personnes, à société et à économie en danger.
Et ce serait un comble qu’ils n’y arrivent pas car sur ce thème, tous les acteurs clés de notre économie – les politiques, les entrepreneurs, les travailleurs et leurs représentants – tous ont leurs intérêts parfaitement alignés.
En effet, les compétences qui sont la principale richesse des entreprises sont également la principale richesse de chaque travailleur. Ceux qui disposent des compétences utiles ne sont jamais une source de soucis. Ils sont en revanche toujours une source d’opportunités. Espérons que ce message sera entendu !
Reggy-Charles Degen
Maître de Conférences, Solvay Brussels School of Economics & Management
Fondateur, Q7Leader.