Editorial – Le droit du travail à l’épreuve de l’économie de plateforme : tout ce qui n’est pas interdit…

Le principe sur base duquel les acteurs de l’économie dite de plateforme (Uber, Deliveroo,…) réinventent le droit du travail est simple : tout ce qui n’est pas interdit est autorisé. C’est d’ailleurs une sorte de règle de vie pour celles et ceux qui ont l’innovation chevillée au corps. Enorme avantage de la démarche: cela fait bouger les lignes. Et cela contraint notamment le législateur à revoir sa copie (en clair, à courir derrière faute d’avoir anticipé les interprétations possibles de la réglementation). Principal inconvénient : l’innovation sociale ne s’embarrasse que rarement des dégâts collatéraux qu’elle peut causer en terme de précarité, de cohésion sociale, d’accompagnement et de soutien envers celles et ceux qui vont échouer…

Le droit du travail n’est pas à proprement parler le volet le plus sexy du People Management. Au contraire, c’est a priori une des disciplines qui devraient être parmi les plus rassurantes. Et pourtant… nous sommes bien loin en effet du ‘long fleuve tranquille’ lorsqu’on aborde le droit social aujourd’hui. Les règles du jeu évoluent en permanence, sous l’effet de la rage réglementaire d’un gouvernement qui essaye tant bien que mal de suivre le rythme des entreprises qui tordent les règles établies. Une problématique à trois étages qui va sans aucun doute nous occuper lors des prochains mois.

Niveau 1: la réglementation. Les textes de loi sont prêts – et nous en avons déjà fait écho, à revoir ici – : ils visent à considérer les plateformes de la gig economy comme des employeurs traditionnels soumis aux mêmes exigences que les autres en matière de sécurité sociale entre autres. Conséquence directe: les collaborateurs de ces plateformes seront généralement considérés comme des salariés et non plus comme des indépendants ou des auto-entrepreneurs. Boum! Les autorités veulent contrecarrer les initiatives des plateformes qui créent des statuts hybrides en faisant appel à des indépendants qui obéissent aux injonctions d’une application pour gérer leur activité et générer des revenus plus ou moins significatifs, en fonction de la disponibilité de chacun. Et pour les fidéliser, des mêmes plateformes offrent à leurs collaborateurs autonomes des avantages habituellement destinés aux salariés… Rien ne l’interdit. Pourquoi donc ne pas le faire à partir du moment où toutes les parties s’y retrouvent… Toutes les parties, nous direz-vous à raison? Car, en effet, ni la sécurité sociale, ni les compétiteurs organisés ‘à l’ancienne’ ne sont préparés à faire face à cette concurrence agile et nettement plus économique sur le plan des coûts de structure.

Le niveau 2 est celui de la concertation sociale. La riposte syndicale s’organise depuis quelque temps déjà. En créant des ‘divisions’ en charge de la défense des droits des indépendants (United Freelancers par exemple du côté de la CSC) ou en revendiquant l’extension de mesures propres à l’économie de plateforme aux autres secteurs d’activités (en ce qui concerne le travail de nuit entre autres), les organisations syndicales sont à l’affût des opportunités. En soi, ce n’est pas une mauvaise chose tant que la défense de l’intérêt général reste la priorité. Et à condition que l’entrepreneuriat ne soit pas complètement muselé par des négociations forcément compliquées entre les partenaires sociaux.

Enfin, le troisième niveau concerne l’impact sociétal de ces évolutions. Celles-ci préfigurent-elles le monde du travail de demain? Certainement. Annoncent-elles un avenir meilleur pour l’ensemble des travailleurs? Nous n’en savons rien… Aujourd’hui, les contestations que rencontrent les plateformes portent sur les méthodes utilisées afin de créer un écosystème favorable à leur modèle. Franchement, reprocher aux acteurs de l’économie de plateforme de faire du lobbying auprès des autorités est d’une hypocrisie crasse. Les entités et groupements qui se plaignent des accords obtenus par les nouveaux joueurs sur le marché sont souvent ceux qui jouissent de rentes de situation, d’aides massives ou de situations de quasi monopole qui les empêchent de se réinventer.

Et pendant ce temps, que se passe-t-il du côté des travailleurs? Certain.e.s saisissent des opportunités. D’autres en souffrent car ils/elles n’ont pas été préparé.e.s à tant d’incertitude. Les inégalités se creusent, sans que le droit du travail ne puisse – jusqu’à présent – y changer quoi que ce soit. Essayons donc d’y remédier par nous-mêmes.

Jean-Paul ERHARD

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