Quels sont les changements socio-juridiques sur le métier ? À quelles mesures pouvons-nous certainement nous attendre ? Il y a déjà 10 nouveautés à tenir à l’oeil. C’est également l’occasion en cette fin d’année de jeter un coup d’œil sur les mois précédents. Un grand nombre de mesures annoncées ont vu le jour. D’autres ont été réaménagées, avec 9 nouveautés importantes relevées pour 2019.
Jean-Luc Vannieuwenhuyse, expert juridique chez SD Worx résume: « 2020 sera sans doute une année intéressante en termes de législation du travail. Cependant, ‘l’essentiel’ doit encore venir, avec un nouveau gouvernement fédéral, qui doit donner la priorité absolue à l’augmentation du taux d’emploi en Belgique. Les gouvernements régionaux ont déjà donné des impulsions, par exemple dans le domaine de l’éducation et de la formation. Mais il existe encore un réel levier en matière d’emploi au niveau fédéral, avec le gouvernement et avec les partenaires sociaux nationaux. Le nouveau gouvernement fédéral pourrait aussi envisager des réductions de coûts pour les employeurs. »
Dix changements socio-juridiques en 2020
1. Suppression de la déduction majorée pour l’utilisation du vélo d’entreprise – La déduction majorée à 120 %, introduite à l’époque pour encourager l’utilisation du vélo dans le cadre des déplacements domicile-lieu de travail, est supprimée de l’impôt des sociétés. Les frais restent toutefois déductibles à 100%.
2. Révision de la fiscalité des voitures de société – La déductibilité des voitures de société est révisée en profondeur. Cette suppression entre en vigueur le 1er janvier 2020 et s’applique à partir de l’exercice d’imposition 2021 portant sur la période imposable débutant au plus tôt le 1er janvier 2020. Dans la déclaration fiscale de 2020, vous pourrez donc encore déduire les frais effectués à 120 %. Pour les employeurs en personne physique assujettis à l’impôt des personnes physiques, la déduction majorée des frais reste maintenue.
• Le régime de faveur spécifique aux voitures électriques prévoyant une déductibilité de 120% dans le cadre de l’impôt des sociétés disparaît. À partir de 2020, ces frais ne seront plus déductibles qu’à 100%.
• Les barèmes de CO2 actuels sont remplacés par une formule, qui tient compte à la fois des émissions de CO2 de la voiture et du type de carburant. Le tarif déductible est calculé comme suit : 120% – (0,5% x coefficient de carburant x émissions de CO2/km).
À partir de 2020, la déductibilité de l’ensemble des voitures de société variera entre 50% à 100%. Seules les voitures très polluantes, dont les émissions de CO2 sont supérieures à 200g/km, ne seront plus déductibles qu’à concurrence de 40 %.
Les fausses hybrides rechargeables (avec fiche!), qui font partie du parc automobile depuis 2018, deviendront plus chères pour le travailleur et l’employeur, en fonction de la capacité énergétique de leurs batteries et de leurs émissions de CO2.
3. Pas de tax shift, mais uniquement une indexation des tarifs – Ces dernières années, le salaire net a systématiquement augmenté le 1er janvier sous l’effet du tax shift. Diverses mesures se sont succédé rapidement : adaptation des tarifs fiscaux et des barèmes des frais professionnels forfaitaires, hausse des quotités exemptées d’impôt et du pourcentage du bonus à l’emploi fiscal.
La dernière phase a débuté le 1er janvier 2019. Le 1er janvier 2020, il n’y aura donc plus de nouveau tax shift, mais bien l’adaptation annuelle des tarifs et des barèmes en fonction de l’inflation (indexation). Il en résultera une légère hausse du salaire net (de ± 10 euros).
4. La réforme des Aides à la Promotion de l’Emploi (APE) est suspendue. Le dispositif actuel des APE reste donc en vigueur. Les Aides à la Promotion de l’Emploi concernent près de 55 000 travailleurs et 4 339 employeurs, principalement dans le secteur non marchand, les services publics et les pouvoirs locaux.
Prévue initialement pour le 1er janvier 2020 par le précédent Gouvernement wallon, la réforme de ce secteur a été suspendue. Pour 2020 et 2021, le dispositif reste donc inchangé et continue à produire ses effets à l’identique.
Dès lors, les contrats APE arrivant à échéance à la fin du mois de décembre 2019 seront reconduits pour deux ans, pour autant que les dossiers de renouvellement aient été introduits dans le respect de la réglementation. Au total, 10 455 travailleurs en CDD sont concernés par cette mesure.
5. Diminution du soutier financier relatif au portefeuille PME en Flandre – Auparavant, une moyenne entreprise pouvait bénéficier d’un soutien financier allant jusqu’à 30% de la Région flamande. Pour une petite entreprise, cette aide s’élevait à 40%. À partir du 1er décembre 2019, ces pourcentages passent respectivement à 20% et 30%.
6. Les « petits statuts » mieux protégés en cas d’accident de travail – À partir du 1er janvier 2020, le plafond annuel de l’aide tombe à 7.500 euros. Ce montant maximum s’applique à la fois aux petites et aux moyennes entreprises.
La notion de « petits statuts » vise toute personne qui effectue un travail (rémunéré ou non) dans le cadre d’une formation qui aboutit à un travail rémunéré.
Depuis début 2019, ils relèvent de l’application de la loi sur les accidents du travail. La question se posait en effet de savoir qui devait souscrire une assurance contre les accidents du travail : l’employeur qui propose le stage ou l’organisme de formation ? Le législateur clarifie à présent cette ambiguïté en désignant expressément une série d’organismes comme employeur assujetti à l’obligation d’assurance, dont le VDAB, PHARE, le Forem, Actiris et Syntra. Attention : pour certaines formations, l’obligation d’assurance incombe à l’employeur qui propose le stage.
Les employeurs assujettis à l’obligation d’assurance contre les accidents du travail devront également effectuer la déclaration Dimona (déclaration immédiate de l’emploi) à partir de 2020. S’il s’agit de l’employeur qui propose le stage, il sera lui aussi soumis à l’obligation Dimona.
7. Hausse des allocations pour les congés thématiques des travailleurs isolés – Le 1er mai 2019, les allocations pour les congés thématiques susmentionnés avaient déjà été relevées pour le même groupe de travailleurs.
8. Hausse du plafond salarial des allocations en cas d’accident du travail ou de maladie professionnelle – À partir du 1er janvier 2020, le plafond salarial utilisé pour le calcul des allocations en cas d’accident du travail est relevé de 1,1 %. Cette hausse du plafond salarial s’applique également au secteur des maladies professionnelles.
9. Nouvelle cotisation de responsabilisation – À partir du 1er janvier 2020, les allocations pour le congé parental, le congé pour assistance médicale et le congé palliatif augmenteront de 4,5 %. Cette augmentation s’applique exclusivement aux travailleurs isolés qui prennent un congé thématique pour prendre soin de leur enfant. Elle concerne aussi bien les interruptions à temps plein ou à temps partiel que les diminutions de 1/5 temps.
Pour bénéficier de cette allocation majorée, le travailleur doit cohabiter exclusivement avec un ou plusieurs enfants dont il a la charge et il doit être le parent biologique ou être chargé de l’éducation quotidienne de l’enfant avec lequel il cohabite. En outre, l’enfant doit être âgé de moins de 12 ans en cas de congé parental et de 18 ans en cas de congé pour assistance médicale ou pour des soins palliatifs. Ces limites d’âge sont relevées à 21 ans pour les enfants handicapés.
L’employeur qui occupe des travailleurs à temps partiel bénéficiant en complément d’une allocation de garantie de revenus, et qui ont demandé à pouvoir prester des heures complémentaires, est tenu de leur proposer en priorité les heures nouvellement libérées avant d’embaucher un nouveau collaborateur. À défaut, il risque une amende à partir d’avril 2020. Cette cotisation de responsabilisation s’élève à 25 euros par travailleur à temps partiel bénéficiant d’une allocation de garantie de revenus et par mois durant lequel l’employeur a manqué à cette obligation.
L’employeur est dispensé de cette cotisation s’il peut démontrer que durant un an il n’y a pas eu de travail complémentaire disponible dans la même fonction que celle du travailleur à temps partiel ou que le travailleur à temps partiel concerné était déjà au travail au moment où les heures complémentaires devaient être prestées. Dans ce dernier cas, l’employeur n’est pas redevable de la cotisation s’il a attribué le travail à un autre travailleur.
10. Hausse du pourcentage de dispense de versement du précompte professionnel pour les travaux immobiliers – Les employeurs actifs dans un secteur qui exécute des « travaux immobiliers » bénéficient d’une réduction des charges sous la forme d’une dispense de versement du précompte professionnel. À partir du 1er janvier 2020, cette dispense passe de 6 % à 18 % du total des rémunérations imposables
des travailleurs qui effectuent des travaux immobiliers en équipes sur place.
Ce pourcentage est appliqué aux rémunérations imposables brutes, hors primes de fin d’année, pécule de vacances, indemnités de préavis… non seulement le secteur de la construction, mais aussi les employeurs des secteurs du nettoyage, du bois et du rembourrage, de l’agriculture, de la construction métallique et de l’électricité, entre autres, peuvent effectuer de tels travaux.
Les changements qui ont marqué l’année 2019
1. Finalisation du tax shift – Le 1er janvier a marqué le début de la finalisation du tax shift, qui a réduit les charges sur le travail. La dernière phase du processus s’est inscrite dans la lignée des modifications mises en œuvre depuis 2016 : d’une part, une hausse du salaire net, d’autre part, un relèvement du plafond pour la réduction structurelle des charges sur les bas salaires – aussi bien dans le secteur marchand privé que dans les secteurs non-marchands. L’impact de cette dernière phase sur la baisse des cotisations patronales est pratiquement passé inaperçu. L’ensemble du tax shift a néanmoins engendré une baisse manifeste des coûts salariaux dans le secteur marchand en Belgique, même s’ils restent élevés en comparaison d’autres pays européens.
2. Quasi-AIP : la norme salariale stagne à 1,1 %, de nombreux secteurs d’activité concluent un accord
Les négociations biennales relatives à un nouvel accord interprofessionnel (AIP) ont été laborieuses. Si
les premières conciliations se sont soldées par un échec, une fumée blanche a fini par apparaître en avril. Les parties ne sont cependant pas parvenues à s’accorder sur tous les points. Le syndicat socialiste n’a pas approuvé la marge salariale proposée de 1,1 %.
Le gouvernement a donc pris l’initiative de déterminer le pourcentage lui-même. Cela signifie concrètement que les coûts salariaux moyens dans le secteur privé ne pourront augmenter que de 1,1 % maximum en 2019 et en 2020, en plus des indexations et des augmentations barémiques. De nombreux secteurs d’activité ont d’ailleurs déjà défini le contenu de cette norme salariale en formulant leur propre accord. Par conséquent, vérifiez d’abord les accords convenus à ce sujet dans votre secteur avant de procéder à une hausse de salaire. Concernant les autres mesures, les partenaires sociaux sont parvenus à un quasi-accord.

3. Adaptation de la procédure concernant la prime bénéficiaire et le bonus salarial CCT 90 – Les règles d’octroi d’un bonus salarial collectif ont été précisées et un nouveau formulaire standard a été mis en place. Il sera dorénavant également possible d’introduire un acte d’adhésion – indispensable dans une entreprise sans représentation syndicale – par la voie électronique, via www.plansbonus.be.
La prime bénéficiaire relativement récente a subi elle aussi quelques modifications cette année. Dorénavant, il est tenu compte également des collaborateurs à temps partiel et/ou des travailleurs qui sortent de service. Par conséquent, le calcul de la prime bénéficiaire peut désormais aussi être
proratisé.
4. Retraite anticipée pour les bénéficiaires du RCC – Un chômeur bénéficiant d’un complément d’entreprise (RCC) qui satisfait aux conditions d’âge et de carrière requises peut également prendre une retraite anticipée à partir de 2019.
Le régime de chômage avec complément d’entreprise (RCC) – l’ancienne prépension – a été durci à différents niveaux. Jusqu’au 30 juin 2020, les travailleurs pourront encore être licenciés à partir de 59 ans dans le cadre de différents régimes RCC (métiers lourds, carrière très longue). Ne manquez pas de vérifier les règles qui s’appliquent exactement dans votre secteur. À partir du 1er juillet 2021, l’âge passe à 60 ans dans la plupart des régimes.
5. Extension du congé d’adoption et d’accueil – Bonne nouvelle pour les travailleurs qui adoptent ou accueillent un enfant. Le congé a été étendu en 2019 et compte dorénavant 6 semaines par parent d’adoption. Pour l’accueil de longue durée – au moins 6 mois – le législateur prévoit également une période de congé de 6 semaines par parent d’accueil.
À partir de 2019, une semaine supplémentaire s’ajoute tous les deux ans, tout comme pour le congé d’adoption. Cette semaine est toutefois répartie entre les deux parents. D’ici 2027, les congés cumulés compteront alors 17 semaines maximum : 6 semaines par parent et 5 semaines supplémentaires à répartir entre les deux parents.
6. Utilisation plus flexible des congés thématiques – L’été a apporté une extension des formules existantes concernant les congés thématiques. Elle permet aux travailleurs de prendre un congé parental et un congé pour assistance médicale de manière plus flexible, en accord avec leur employeur. Il leur sera donc possible de prendre dorénavant un congé à temps plein par semaine au lieu de le prendre par mois.
Les formules de congé parental actuelles ont été étendues à une 4e option : 1/10 d’une semaine de travail à temps plein sur une période de 40 mois. Concrètement, il sera possible de prendre un demi- jour par semaine ou un jour complet toutes les deux semaines. Dans ce cas également, l’accord de l’employeur est requis.
7. Le parcours du permis unique – Le permis unique longtemps annoncé est enfin devenu réalité début 2019. Il permet dorénavant de demander simultanément le permis de travail et de séjour des travailleurs non européens. La nouvelle procédure ne s’applique toutefois qu’à une occupation en Belgique de plus de 90 jours. Le futur employeur introduit dorénavant lui-même la demande auprès du service de migration régional, sauf si le travailleur est autorisé à travailler en Belgique pour une durée indéterminée.
Tenez compte du fait que, dans la pratique, la délivrance du permis est encore laborieuse. Deux services publics différents doivent en effet donner leur accord.
8. Régime plus souple pour les solutions de mobilité – L’allocation de mobilité, mieux connue sous le nom de « cash for car », a été complétée cette année par le budget mobilité. Contrairement à l’allocation de mobilité, qui échange la voiture de société contre une intervention financière, le budget mobilité laisse aux travailleurs le choix entre différentes solutions de transport.
Pour bénéficier du budget mobilité, l’employeur comme le travailleur doivent répondre à un certain nombre de conditions. Les collaborateurs qui adhèrent à l’offre ont le choix entre une voiture de société respectueuse de l’environnement ou un moyen de transport durable comme le bus, le train et le vélo d’argent. Chaque option présente ses propres règles fiscales et sociales.
Les conditions et délais minimaux applicables au budget mobilité ont été imposés à l’allocation de
mobilité existante, afin de mieux harmoniser les deux systèmes. Par ailleurs, l’attestation de voiture de société a également disparu et l’allocation peut dorénavant augmenter ou diminuer en fonction des orientations de carrière de vos collaborateurs.
9. Mini-accord sur l’emploi – Au cours de l’été 2018, le gouvernement fédéral est parvenu à un accord concernant une série de mesures destinées à donner plus d’oxygène au marché de l’emploi. Une meilleure concordance entre l’offre et la demande devrait permettre à pourvoir plus rapidement les postes vacants. Un certain nombre de mesures ont été intégrées dans la législation en 2019 :
• Les travailleurs qui perdent leur emploi pour cause de force majeure médicale ont droit au reclassement professionnel.
• Les travailleurs pourront dorénavant prendre 48 mois de crédit-temps pour suivre une formation à un métier en pénurie.
• Les employeurs peuvent, grâce à une clause d’écolage plus flexible, être indemnisés des frais de formation d’un travailleur qui quitte l’entreprise.
• Dans certains cas, les travailleurs licenciés doivent s’inscrire comme demandeurs d’emploi dans les deux mois.
• Les travailleurs en incapacité de travail âgés de plus de 65 ans, mais qui ne sont pas encore à la retraite, pourront prétendre à des allocations de maladie pour une durée maximale de 6 mois.